Agrobacterium, le biofilm s’installe !

Depuis quelques années, une maladie bactérienne appelée « chevelu racinaire » et causée par Agrobacterium rhizogenes, a pris de l’ampleur chez les producteurs de tomates. Cette maladie provoque un dérèglement hormonal des racines de la plante hôte, conduisant à une prolifération racinaire importante, les plants devenant plus végétatifs au détriment du développement des fruits (baisse du calibre et de la qualité des fruits).

Cette bactérie a également la capacité de former un biofilm très résistant dans les circuits d’irrigation des serres et autour des racines des plants. A ce jour, il n’existe pas de méthode de lutte efficace contre le biofilm formé par A. rhizogenes dans les serres de production de tomates.

Le biofilm, une forteresse biologique

Les micro organismes peuvent vivre soit librement dans le milieu, soit fixés entre eux et si possible à une surface, formant ainsi ce que l’on appelle un biofilm. Dès qu’il y a de l’humidité, des nutriments et une surface, un biofilm est susceptible de se former. Il se structure en trois dimensions pour protéger les micro organismes qui le composent, entraînant ainsi une extrême résistance aux agressions environnementales.

Lors de la construction d’un biofilm, plusieurs phases se succèdent (Figure 1) : au cours d’une première phase, les bactéries libres adhèrent à une surface inerte et sécrètent une matrice extracellulaire. Puis la communauté en biofilm acquiert une structure en trois dimensions comprenant un réseau de canaux qui permet l’acheminement des nutriments vers les zones profondes. Enfin, au cours d’une troisième phase, des micro colonies ou des bactéries libres se détachent de la surface du biofilm. Elles dérivent dans le milieu extérieur et peuvent coloniser une nouvelle surface.

Figure 1 : Cycle de vie d’un biofilm

A. rhizogenes possède cette capacité de former rapidement un biofilm résistant sur des surfaces telles que le polystyrène, ainsi qu’à la surface des racines de la plante hôte (Abarca-Grau et al., 2010). Cette bactérie est ainsi capable de former un biofilm ultra résistant dans les circuits d’irrigation des serres de production de tomates, ce qui rend son élimination, à ce jour, quasi impossible.

C’est dans ce contexte que les producteurs de tomate de Bretagne et des Pays de la Loire se sont réunis autour de Vegenov et d’autres laboratoires de la recherche publique ayant des compétences dans le domaine des biofilms pour travailler sur cette problématique afin d’aboutir à une solution efficace, dans le cadre du projet AGROFILM.

Le projet AGROFILM

Le projet collaboratif AGROFILM, labellisé par le pôle de compétitivité Valorial, a pour objectif d’identifier une (ou des) stratégie(s) de lutte efficace(s) et durable(s) contre le biofilm formé par A. rhizogenes dans les serres de production de tomates, tout en garantissant a minima la même qualité sensorielle et nutritionnelle des fruits produits.

Les différents partenaires de ce projet sont :

  • Vegenov (coordinateur) ;
  • L’Université de Bretagne Sud ;
  • Normandie Université ;
  • ADRIA Développement ;
  • L’Université de Bretagne Occidentale ;
  • La SICA de Saint Pol de Léon ;
  • L’UCPT ;
  • Savéol ;
  • SOLARENN ;
  • Le Comité Départemental de Développement Maraîcher (CDDM) ;
  • Les stations d’expérimentation CATE et SECL22.

Au cours de ce projet, les partenaires travailleront à (1) comprendre comment se forme le biofilm par A. rhizogenes dans les serres de production de tomates et de jeunes plants, (2) rechercher des molécules et autres solutions (micro-organismes, etc.) ayant, en conditions contrôlées, des propriétés anti biofilm et (3) développer des stratégies de maîtrise voire d’éradication complète de ce biofilm sur le terrain, dans les serres de production, basées sur les molécules identifiées dans le cadre de ce projet.

Conclusion

A l’issue du projet AGROFILM, nous souhaitons pouvoir préconiser aux producteurs de tomates les solutions présentant une efficacité avérée contre le biofilm formé par A. rhizogenes, qui soient alternatives aux produits conventionnels de désinfection des circuits d’irrigation et de traitement des plants (et notamment favoriser l’utilisation de molécules ou antagonistes naturellement présents dans les serres de production) et les plus respectueuses possible de l’environnement et du consommateur.

Bibliographie :
Briandet R. et al. (2012). Biofilms, quand les microbes s’organisent. Editions Quae, 176 p.
A.M. Abarca-Grau, R. Penyalver, M.M. Lopez, and E. Marco-Noales, Pathogenic and non pathogenic Agrobacterium tumefaciens, A. rhizogenes and A. vitis strains form biofilms on abiotic as well as on root surfaces. Plant Pathology 60, 416 (2010).

Crédit photo : Vegenov
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Ce billet a été rédigé par Céline Hamon
Responsable R&D Biologie Moléculaire Céline, armée de pipettes, de marqueurs et d’une équipe de choc, traque l’ADN des plantes pour en déchiffrer toutes leurs caractéristiques !