(2) Haplométhodes : dans le secret des labos

Dans mon précèdent billet, je vous décrivais le point de départ du processus de production de plantes haploïdes doublées. C’est cette étape d’induction de l’embryogenèse, incontournable, qui est souvent bien documentée dans la littérature scientifique. Cependant, plusieurs étapes restent à franchir pour pouvoir répondre à la demande du sélectionneur…

Une fois l’embryon obtenu, nous ne sommes pas au bout de nos peines !

En effet, deux étapes importantes et souvent négligées restent à franchir : l’obtention de plantules et le doublement chromosomique. Ces étapes influent fortement sur l’effort à fournir pour produire les descendances HD.

L’obtention de plantules dépend beaucoup des conditions de culture in vitro au moment de la subculture, mais également du stade de développement à ce moment. Embryons ou cals issus de microspores (voir billet précédent) et embryons immatures issus de gynogenèse induite nécessitent un certain savoir-faire dans la réalisation du repiquage, un peu comme en horticulture. Cependant, la nature de l’explant repiqué, et notamment les bonnes conditions de son initiation jouent encore à ce stade.

Pourquoi, chez le blé, obtient-on tant de plantules albinos par culture de microspores ? Les plantules albinos se développent très bien in vitro, mais leur déficience en chloroplastes est irréversible et les condamne à une mort certaine en serre ! On ne connait pas encore très bien la cause du problème, mais on sait que cela se joue très tôt lors de l’isolement des microspores.

 

Boîte de Pétri avec blés albinos et verts

 

Chez le blé, le rendement quasi-nul en plantules vertes impose d’utiliser préférentiellement la technique de la gynogenèse induite par hybridation interspécifique, très lourde à mettre en œuvre.

Le doublement chromosomique est un autre problème. Pour un certain nombre d’espèces, en androgenèse, un doublement spontané a lieu dans des proportions parfois assez élevées. On ne sait pas très bien ce qui conduit à ce doublement spontané, qui semble se produire assez précocement lors du développement de l’embryon (Kasha, 2010). L’avantage est que les plantes diploïdes obtenues ainsi sont homogènes et permettent de produire par autofécondation des lots de graines suffisants pour la suite de la sélection.

Ce doublement spontané est plus fréquent chez certaines espèces, comme l’orge ou les choux, mais il est aussi parfois totalement absent, notamment en gynogenèse. Alors, il est nécessaire de recourir à un doublement chromosomique induit par un agent chimique, souvent la colchicine, sur les plantules. Les conditions de ce traitement sont à mettre au point de façon précise, sous peine de manquer totalement d’efficacité. Des chimères, zones de niveaux de ploïdie différents dans la même plante, risquent de se former suite à ce traitement. Ceci aboutit à des plantes partiellement fertiles et certaines lignées HD sont parfois inutilisables en sélection, car leur rendement en graines est trop faible.

Au labo, concrètement, il est possible de trier les plantules sur leur niveau de ploïdie à l’aide de la cytométrie en flux.

 

Cytomètre de flux

 

Un petit fragment de feuille suffit. Seules les plantes diploïdes sont conservées et le sélectionneur a alors très peu de déchet dans les descendances HD qu’il récupère.

Après ça, c’est à vous de jouer ! Là encore, le labo constitue un outil, mais le pilote, c’est toujours le sélectionneur.

Référence bibliographique :
Kasha, K.J., 2010. Chromosome doubling and recovery of doubled haploid plants. In Palmer, C.E., Keller W.A. and Kasha K.J., (ed.) Haploids in crop improvement II. p121-152.

 

Crédits Photos : © Vegenov-BBV
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Ce billet a été rédigé par Manuelle Bodin
C’est avec plus de 15 ans d’expérience dans le développement d’outils de biologie cellulaire pour les sélectionneurs que Manuelle, grâce à son équipe, met en place des solutions techniques adaptées à chaque espèce végétale.