Plan écophyto, bilan et perspectives

Le député de Meurthe et Moselle, Dominique Potier, a remis en décembre dernier son rapport sur le plan Ecophyto intitulé « Pesticides et agro-écologie, les champs du possible  », qui dresse le bilan du premier plan et fait des propositions pour la mise en place d’un deuxième plan Ecophyto. Fin janvier, les orientations du nouveau plan ont été publiées, ce nouveau plan devant être finalisé en juin 2015 pour une mise en œuvre second semestre 2015.

Bilan du premier plan :

Le rapport sur le plan Ecophyto, établi par le Député Dominique Potier, permet de faire état des points positifs et négatifs du plan depuis 2008, en termes de conception ou de mise en œuvre. Ce plan avait notamment comme objectif d’aboutir à une réduction de l’utilisation des phytosanitaires de 50%, si possible, en 2018.

Le premier constat est que cette réduction d’utilisation n’a pas eu lieu, puisqu’il y a eu une augmentation moyenne globale de 5%. A noter tout de même que l’utilisation des produits cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR) a été réduite, en lien notamment avec le retrait réglementaire des molécules. Il semble toutefois nécessaire, comme le soulignent également les organisations de producteurs, de trouver d’autres indicateurs qu’une simple réduction de quantité, qui ne reflète pas l’impact et le risque du produit sur l’environnement et la santé humaine. La Commission européenne souhaite à ce propos une harmonisation de ces indicateurs et de la définition de la protection intégrée.

Un autre point négatif soulevé par ce rapport est la lourdeur de sa gouvernance, ainsi qu’un manque de lisibilité et de souplesse du plan. Il déplore notamment un trop grand nombre d’actions, un manque d’articulation au niveau régional et des problèmes de coordination entre les ministères.

De nombreux points positifs ont été relevés dans ce plan, notamment grâce à des actions structurantes qui ont modifié l’environnement dans lequel les acteurs prennent leurs informations et décisions concernant l’usage des produits phytosanitaires.

EcophytoLe député Potier fait le constat d’une prise de conscience et d’une mobilisation de l’ensemble de la profession sur le sujet.

Le réseau Dephy, constitué de près de 2000 fermes, a permis de mettre en œuvre des solutions concrètes et efficaces en conditions de production. Il faut maintenant que ces bonnes pratiques ne se limitent pas à des pionniers et rayonnent sur l’ensemble de la profession.

La mise en place du portail Ecophytopic et l’édition de guides pour la conception de systèmes économes par groupe cultural devraient permettre une bonne communication de ces pratiques.

L’instauration du Certiphyto a entraîné la formation de 400 000 professionnels, même s’il y a encore trop peu d’impact sur les pratiques.

La parution régulière du Bulletin de Santé Végétale (BSV) a permis une mutualisation des informations sur les maladies des plantes dans les cultures, mais ces dernières sont parcellaires et le BSV ne fait aucune préconisation.

On peut également citer le financement de projets de recherche dédiés, notamment avec le programme Pour et Sur le Plan Ecophyto (PSPE).

La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (LAAF) n°2014-1170 du 13 octobre 2014 instaure désormais l’objectif de promouvoir et de pérenniser les systèmes de production au niveau économique, environnemental et sanitaire. Elle prévoit notamment la création de GIEE (groupements d’intérêts économique et environnemental), le transfert à l’ANSES de la délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM) et la mise en place d’un dispositif de certificats d’économie de produits phytosanitaires.

Propositions et nouvelles orientations du plan :

Les nouvelles orientations suivent majoritairement les 68 recommandations énoncées par le député D. Potier.

Il a notamment souligné l’importance de faire rayonner le réseau Dephy, de développer des indicateurs de risques et d’impact sur l’ensemble des compartiments touchés par la pollution (air, sol et eau).

Il a également relevé l’importance de promouvoir l’innovation, notamment dans les agroéquipements, l’innovation variétale ou le développement d’Outils d’Aide à la Décision (OAD).

Il a également souligné le rôle clé de l’Europe et de la politique agricole commune (PAC) dans le développement d’un système unifié des pratiques, notamment pour les Autorisations de mise sur le marché (AMM). Pour lui, une réduction de 25% de l’utilisation de produits phytosanitaire est possible en améliorant ce qui est déjà en place, et une réduction de 50% sera envisageable s’il s’opère une véritable refonte des systèmes avec des innovations majeures.

Ce nouveau plan s’articule autour de 7 principes qui se déclinent en 6 axes de travail.

7_principes

 

Le premier axe de travail vise à « agir aujourd’hui et faire évoluer des pratiques », avec notamment la promotion du biocontrôle et l’élargissement du dispositif des fermes DEPHY.

Le deuxième axe est centré sur l’innovation et la recherche, avec notamment 4 programmes de R&D opérationnelle sur le biocontrôle, l’agro-équipement, l’innovation variétale et la flore adventice.

Le troisième axe a pour objectif « d’évaluer et maîtriser les risques et les impacts », en se focalisant sur la santé humaine et l’ensemble des compartiments touchés par la pollution (eau, air et sol).

Le quatrième axe vise à « inscrire le plan dans une logique de territoires et de filières », en donnant plus d’importance aux régions et en considérant les priorités des filières.

Le cinquième axe se concentre sur les zones publiques, avec pour objectif une absence d’utilisation de produit phytosanitaire.

Le dernier axe permettra de mettre l’accent sur la communication et le suivi du plan, avec notamment le développement de nouveaux indicateurs liés aux risques des produits employés.

Ce plan devrait être pourvu de 70 millions d’euros, ce qui est supérieur au premier plan mais inférieur à ce que le député recommandait (100 millions d’euros). L’augmentation de budget par rapport au premier plan se fera grâce à 30 millions d’euros supplémentaires, qui proviendront de la redevance pour pollution diffuse.

Crédit photo : Salatfelder mit Kopfsalat und Lollo Rosso : © msl33 - Fotolia.com
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Ce billet a été rédigé par Marie Turner
Responsable R&D Protection et Nutrition des Plantes Spécialisée dans les interactions plantes-microorganismes, qu’ils soient bénéfiques ou pathogènes pour les plantes, Marie est une phytopathologiste qui travaille à la recherche de solutions de protection des plantes pour une agriculture durable.