Protection intégrée : Freins et leviers

La directive européenne 2009/128/CE instaure un cadre pour parvenir à une utilisation des produits phytosanitaires compatible avec un développement durable. Elle rend notamment obligatoire la mise en place de la protection intégrée à partir du premier janvier 2014. En pratique, quels sont les facteurs freinant cette mise en œuvre et les différents leviers disponibles pour les surmonter ?

C’est à cette question que la Commission « Moyens de Protection pour une Production Intégrée » (MPPI) de l’Association Française de Protection des Plantes (AFPP) a tenté de répondre. Ces travaux ont été présentés par B. Ambolet lors de la Cinquième conférence internationale sur les méthodes alternatives de protection des plantes. Reprenons-en les principaux points.

Cette synthèse a été réalisée au cours de l’année 2014 par des ingénieurs et techniciens qui conseillent les agriculteurs. Les éléments ressentis comme des freins (-) ou des leviers (+) pour la mise en œuvre de la protection intégrée sont répartis en quatre domaines.

Domaine réglementaire et sociétal

Un environnement réglementaire européen d’envergure (directive 1107/2009, plan Ecophyto, indicateurs de suivi tels que le NODU), soutenu par un contexte sociétal favorable à la réduction des pesticides (peur surmédiatisée) et des expériences concrètes concluantes (fermes DEPHY, réseau FARRE, Sentinelles de la Terre), crédibilisent la démarche et encouragent les agriculteurs.

Mais cette réglementation n’est pas toujours adaptée aux méthodes alternatives et la transition peut être perçue comme une prise de risque exigeante (savoir-faire, temps) pour l’agriculteur.

Domaine scientifique et technique

Pour répondre aux demandes des praticiens sur le terrain, des solutions existent actuellement (confusion sexuelle, auxiliaires, nématodes, enherbement, sélection de variétés résistantes….) et un encadrement terrain est effectif (outils d’aide à la décision, dispositif collectif de surveillance …)

Les recherches doivent être poursuivies afin d’enrichir les moyens à disposition et la sensibilisation des acteurs doit être assurée par des formations supplémentaires.

Domaine économique

La transition vers la protection intégrée des cultures doit se faire sans fragiliser l’équilibre économique des exploitations et des fonds de partage de risque ont été mis en place dans certaines coopératives pour sécuriser ces agriculteurs innovants.

Les solutions alternatives doivent encore démontrer leur rapport coût/efficacité. A l’heure actuelle, leur coût est au mieux égal à celui des pesticides, sans apporter de réponses aussi performantes et fiables, et sans être source de création de valeur (pas de valorisation des produits comme cela a pu être le cas pour la filière AB).

Domaine social

Il faut valoriser le métier de l’agriculteur en diminuant leur exposition aux produits de traitement (Certiphyto), en accordant plus de temps à la formation (main d’œuvre plus qualifiée), et en exposant les progrès accomplis auprès des citoyens afin de nuancer leur jugement actuel.

L’adoption d’un système nouveau, remettant en cause certaines pratiques, demande un effort et un temps d’adaptation importants, de la part de l’ensemble des acteurs, qui se fera progressivement.

Ce travail collaboratif, réalisé par la commission MPPI (AFPP), a permis de rassembler les informations de centres techniques de plusieurs filières, d’acteurs du plan Écophyto et d’entreprises privées. Il permet donc d’avoir une vision globale et approfondie des principaux freins et leviers au développement de la protection intégrée. C’est un domaine qui est en pleine évolution, et il sera donc important de faire ce travail de synthèse régulièrement pour permettre le développement de la protection intégrée sur le long terme.

Source : AMBOLET B. (2015). Mise en place de la protection intégrée – freins et moteurs – conditions du succès.
AFPP – Cinquième conférence internationale sur les méthodes alternatives de protection des plantes – Lille, 11 au 13 mars 2015.

Billet co-écrit avec Marine Bouvy – Ingénieur d’études en pathologie végétale à Vegenov

 

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Ce billet a été rédigé par Marie Turner
Responsable R&D Protection et Nutrition des Plantes Spécialisée dans les interactions plantes-microorganismes, qu’ils soient bénéfiques ou pathogènes pour les plantes, Marie est une phytopathologiste qui travaille à la recherche de solutions de protection des plantes pour une agriculture durable.