Du verre aux glaçons : un cocktail de solutions pour conserver des ressources génétiques

Dans un précédent billet, nous avions vu comment les outils de culture in vitro de végétaux, couramment utilisés chez les espèces d’intérêt agronomique, peuvent apporter des solutions à la conservation des espèces sauvages menacées (voir billet Des plantes en couveuse : une contribution des biotechnologies végétales au sauvetage d’espèces disparues). Revenons maintenant sur la problématique de conservation du matériel végétal en cours de sélection. Là encore, la culture in vitro peut apporter une aide précieuse.

La conservation de matériel végétal en cours de sélection peut s’avérer complexe selon la biologie de l’espèce travaillée et le niveau d’avancement du programme de sélection. Lorsque le matériel n’est pas fixé génétiquement ou que la réalisation d’autofécondations pour son maintien d’une génération à l’autre sous forme de graines est difficile (problèmes de fertilité, graines peu viables etc.), il est nécessaire de le cloner. Ceci est vrai pour les espèces à multiplication végétative, mais pas uniquement.

La première solution, souvent la plus simple, est bien le maintien in vivo, au champ ou au verger. Les inconvénients sont alors le coût en surface et en ressources humaines de ce maintien, le risque d’accidents en culture conduisant à la perte de matériel génétique, et parfois la difficulté technique à maintenir des espèces non pérennes.

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Collection de plantules in vitro

La culture in vitro (voir billet La culture in vitro au service de la qualité des semences et plants) est une alternative intéressante. La possibilité de maintenir un très grand nombre de clones sur une surface limitée et en conditions confinées est un avantage majeur. Le coût de ce travail, lié aux équipements spécifiques et au personnel qualifié, peut être compensé par des procédures limitant les interventions de repiquage in vitro. En général, ces collections sont conservées sur des milieux ne contenant pas ou peu d’hormones, limitant la prolifération et les risques de variation génétique. De nombreux laboratoires utilisent également la possibilité de maintenir les collections in vitro dans des conditions de lumière et surtout de température basse, limitant ainsi la croissance. A partir de vitroplants maintenus dans ces conditions, la reprise de croissance et la multiplication rapide des clones est possible assez facilement.

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Plantule in vitro issue du développement d’un méristème

Dans le cas où on souhaite conserver à long terme des tissus végétaux et qu’il n’y a pas de besoin de multiplication ou de sortie d’in vitro rapide, la cryoconservation est envisageable. Son principe consiste à conserver à très basse température (notamment dans l’azote liquide à -196°C) des tissus végétaux en vie ralentie. A cette température, aucune activité métabolique n’intervient plus dans les cellules et tissus végétaux. La collection peut alors être conservée théoriquement sans limitation de durée, et sans entretien. Il en découle également une absence de risque de dérive génétique. En revanche, cette technologie est tout de même complexe à mettre en œuvre. Les explants végétaux que l’on peut cryoconserver sont petits : méristèmes, cals, embryons ou suspensions cellulaires. Leurs cellules contiennent des quantités élevées d’eau, qui risque de cristalliser lors des étapes de congélation, mais aussi de décongélation. Cette cristallisation provoque alors la mort cellulaire.

Les procédés de cryoconservation impliquent donc des procédures rigoureuses afin d’empêcher cette formation de cristaux de glace dans les cellules. Cela peut se faire soit par congélation très lente permettant une sortie progressive de l’eau intracellulaire, soit très rapide, induisant une « vitrification » de l’eau intracellulaire. Une déshydratation préalable des tissus est alors effectuée, et peut être accompagnée de l’application de cryoprotectant. La mise au point de chaque étape du processus est nécessaire et la maîtrise de la culture in vitro de l’espèce est un préalable fort utile !

Les solutions sont donc multiples et répondent à des contraintes variées pour le sélectionneur, que le laboratoire doit prendre en compte.

 

Crédits photos :
Ice cubes with green mint leaves © Valentina R.
Collection de plantules in vitro © Vegenov
Cal, méristème et embryon in vitro © Vegenov
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Ce billet a été rédigé par Manuelle Bodin
C’est avec plus de 15 ans d’expérience dans le développement d’outils de biologie cellulaire pour les sélectionneurs que Manuelle, grâce à son équipe, met en place des solutions techniques adaptées à chaque espèce végétale.