Innovation agricole : ce que révèle le rapport de la Cour des comptes

Les agriculteurs et l'agritech.

L’innovation est au cœur des transformations agricoles actuelles. Face aux défis du changement climatique, des contraintes économiques et de la transition agroécologique, les exploitants doivent sans cesse s’adapter. Un récent rapport de la Cour des comptes (février 2025) met en lumière les dynamiques d’innovation, les obstacles rencontrés et les leviers à activer pour favoriser l’adoption des nouvelles pratiques et technologies en agriculture.

Une dynamique d’innovation forte mais contrastée

L’agriculture fait face à de nombreux défis, tels que le changement climatique, l’évolution des attentes sociétales et les contraintes économiques. L’innovation est donc essentielle pour répondre à ces problématiques. La Cours des Comptes s’est penchée sur le sujet et a réalisé un rapport évaluant la politique d’innovation française en matière agricole.

Une enquête a été menée auprès de 1 005 chefs d’exploitation. Elle révèle que 86 % des agriculteurs français adoptent régulièrement des innovations. Plus de la moitié (53 %) déclarent même en intégrer au moins trois par an.

Les innovations observées dans cette enquête se répartissent en deux catégories :

  • Les innovations de produits AgriTech : variétés issues de la sélection génétique, nouveaux produits phytosanitaires, biosolutions, agroéquipements connectés, applications numériques et outils d’aide à la décision.
  • Les innovations de procédés : méthodes culturales substitutives aux engrais et aux produits phytosanitaires, conservation des sols.

Les principales motivations des agriculteurs pour adopter ces innovations concernent la prévention et protection contre les aléas climatiques et les risques sanitaires et la réduction de la charge de travail (plus de 80 % des répondants).

Objectifs de l’innovation considérés comme « essentiels » ou « importants » par les agriculteurs sondés

Il n’y a pas de profil type d’agriculteur innovant qui se dégage. Si l’âge, le niveau d’études ou la taille de l’exploitation ne sont pas des critères déterminants, le nombre de conseils reçus joue un rôle clé. Le recours à l’accompagnement, qu’il soit public (chambres d’agriculture) ou privé (agro-fournisseurs, consultants), semble étroitement lié à l’adoption des innovations.

Toutefois, l’adoption des innovations varie selon les filières :

  • Les grandes cultures sont les plus avancées dans l’intégration des nouvelles technologies, notamment les agroéquipements connectés et les applications numériques.
  • Les cultures spécialisées à forte valeur ajoutée (arboriculture, vigne, horticulture et maraîchage) privilégient les innovations écologiques et numériques pour optimiser la surveillance et améliorer leur performance environnementale.
  • Les exploitations en polyculture et poly-élevage semblent moins moteur pour l’innovation, avec un recours limité à l’AgriTech (inférieur à 20 %).

Appropriation des innovations en fonction de l’orientation principale des exploitations

Par ailleurs, certaines innovations se diffusent plus rapidement que d’autres. Les méthodes culturales de substitution aux produits phytosanitaires (49 %) et la conservation des sols (37 %) sont parmi les plus adoptées. En revanche, les agroéquipements connectés ne sont utilisés que par 14 % des exploitants.

Recours aux innovations en 2023 ou 2024

Des freins persistants à l’adoption des innovations

Malgré leur intérêt pour l’innovation, les exploitants rencontrent plusieurs obstacles à sa mise en œuvre. La Cour des comptes identifie trois freins majeurs :

  • Économiques : coût élevé des équipements et incertitude sur la rentabilité des investissements.
  • Complexité administrative : accès difficile aux aides publiques, manque de clarté des dispositifs de financement.
  • Manque de formation et d’accompagnement : besoin de compétences nouvelles insuffisamment couvertes par les dispositifs existants.

71 % des exploitants estiment que le frein principal est d’ordre financier. Le retour sur investissement est souvent long et incertain, ce qui limite l’adoption des innovations les plus disruptives. Par ailleurs, la diversité des contextes agricoles (types de sols, climat, structures d’exploitation) ajoute une part de risque supplémentaire.

Les recommandations de la Cour des comptes

Pour lever ces freins et dynamiser l’innovation en agriculture, la Cour des comptes formule sept recommandations clés :

  1. Adapter le Crédit d’Impôt Recherche, le Crédit d’Impôt Innovation et le statut de Jeune Entreprise Innovante aux spécificités du secteur agricole.
  2. Privilégier les mesures de type « système » sur le modèle des mesures agro-environnementales et climatiques en passant progressivement à une obligation de résultats.
  3. Cibler davantage les aides du Programme National de Développement Agricole et Rural sur les innovations transformantes, le conseil stratégique global et la formation continue.
  4. Définir les missions des chambres d’agriculture en matière de conseil à l’occasion du bilan du contrat d’objectifs et de performance.
  5. Augmenter significativement la participation des entreprises innovantes dans les unités et réseaux mixtes technologiques.
  6. Généraliser l’accès des entreprises innovantes à l’expérimentation agricole à travers le dispositif Link’Expé.
  7. Renforcer l’information et l’accompagnement des petites entreprises innovantes sur les procédures d’autorisation de mise sur le marché et réduire les délais.

Accélérer la transition agroécologique grâce à l’innovation

L’innovation agricole est essentielle pour assurer la pérennité des exploitations et relever les défis climatiques, économiques et environnementaux. Pour garantir une transition efficace, il est nécessaire d’adapter les dispositifs de soutien, de renforcer la formation et d’encourager l’expérimentation en conditions réelles.

L’avenir de l’agriculture passera par une meilleure synergie entre agriculteurs, chercheurs, acteurs de l’AgriTech et pouvoirs publics. Seule une approche concertée permettra de démocratiser les innovations et d’accompagner durablement la transformation du secteur.

Source : Cours des Comptes – L’INNOVATION EN MATIÈRE AGRICOLE – Une contribution essentielle à la transition agroécologique – Février 2025 – Accéder au rapport

Crédit photo : Image à la une générée par IA

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Ce billet a été rédigé par Juliette Clément
Chargée de veille Diplômée en biologie et en science de l'information, Juliette a les yeux et les oreilles grands ouverts. Elle recueille, analyse et diffuse les informations stratégiques (avancées scientifiques, technologiques, juridiques…) sur lesquelles vont s'appuyer les clients et les équipes Vegenov pour avancer dans leurs projets.