BIOTECHINHORT 2025 : l’innovation biotechnologique au service du végétal spécialisé

Du 6 au 8 mai 2025, le centre Expo de Rimini en Italie a accueilli l’International Symposium on Biotechnological Tools in Horticulture (BIOTECHINHORT), organisé par l’Université Polytechnique des Marches (UNIVPM) sous l’égide de l’ISHS. Ce rendez-vous scientifique, intégré au salon professionnel Macfrut, a rassemblé chercheurs du monde entier, industriels et acteurs du végétal spécialisé autour des dernières avancées en biotechnologie horticole notamment les nouvelles techniques d’édition génomique (NGT) et l’utilisation d’ARN interférents.
L’International Society for Horticultural Science (ISHS) est la principale organisation scientifique mondiale dédiée à l’horticulture. Fondée en 1959, elle fédère aujourd’hui plus de 7000 membres issus de plus de 150 pays.
Sa mission : favoriser les échanges scientifiques, la diffusion des connaissances et la collaboration internationale dans tous les domaines de l’horticulture — des cultures fruitières et légumières aux plantes ornementales, en passant par les technologies post-récolte, la génétique, la physiologie ou encore l’agroécologie.
L’ISHS organise chaque année des dizaines de symposiums spécialisés, dont le BIOTECHINHORT, et publie les actes dans la série scientifique Acta Horticulturae. Elle joue ainsi un rôle clé dans la structuration et la visibilité de la recherche horticole à l’échelle mondiale.
Une programmation riche et multidisciplinaire
Le symposium s’est articulé autour de six grands axes :
- Les nouvelles techniques génomiques (NGT) pour l’amélioration des cultures
- La micropropagation et les approches in vitro
- Les réponses biotechnologiques aux stress biotiques
- Les études fonctionnelles génomiques
- Les aspects socio-économiques et réglementaires
- Les approches omiques pour le phénotypage
Plus de 150 communications orales et posters ont mis en lumière des travaux innovants sur des espèces aussi variées que la tomate, la fraise, le kiwi, le melon, le cannabis, ou encore le pommier.
CRISPR-Cas 9 : un outil au cœur de l’innovation

Le symposium a largement mis en lumière l’édition génomique, signe de son adoption croissante dans les travaux de recherche appliquée. Plusieurs équipes de recherche ont démontré comment la technologie CRISPR/Cas9 permet aujourd’hui de modifier avec précision des plantes horticoles pour améliorer leur qualité ou leur résistance :
- En Italie (Equipe du CREA), des aubergines sans graines ont été obtenues en désactivant des gènes liés à la formation des fruits, ce qui permettrait d’augmenter la fenêtre temporelle pour leur récolte et d’économiser les coûts de culture, tout en obtenant des fruits de meilleure qualité pour le marché.
- En Belgique (projet GeneBecon), un outil pratique, GeneBEwise, a été développé pour éditer plusieurs gènes à la fois, par exemple pour réduire l’amertume de la chicorée ou renforcer la résistance de la pomme de terre à certaines maladies.
- D’autres travaux ont ciblé la tomate pour réduire les allergènes, ou encore la fraise, la vigne et le melon pour améliorer la floraison, la tolérance au stress ou la qualité des fruits.
Ces avancées confirment que l’édition génomique devient un levier stratégique pour l’amélioration variétale, avec des applications concrètes chez les plantes horticoles
Des approches in vitro au service de la sélection
La culture in vitro, longtemps cantonnée à la multiplication, s’impose désormais comme un pilier des biotechnologies végétales :
Vegenov a présenté ses travaux réalisés dans le cadre du projet Petri’sage visant à étudier l’impact de l’éclairage LED (vs. néons fluorescents) sur la condensation et l’hyperhydricité en culture in vitro et a développé un outil d’aide à la décision pour adapter les conditions de culture à chaque salle et système d’éclairage. Ces travaux viennent renforcer le leadership de Vegenov en culture in vitro grâce à des infrastructures dédiées et adaptées à ce type d’approches.

- Des protocoles de micropropagation ont été optimisés pour des espèces à fort enjeu comme le cannabis, la lavande, le maqui, le genévrier ou encore le framboisier.
- En Sicile (Chiara Catalano, Department of Agriculture, Food and Environment, University of Catania), des embryons somatiques de cépages autochtones ont été régénérés à partir d’organes floraux, ouvrant la voie à l’édition génomique sur des variétés locales.
- Des protocoles de transformation via Agrobacterium ont été mis au point sur pommier, fraise, tomate ou vigne, avec des taux de régénération dépassant 50 % dans certains cas.
- Enfin, la culture de protoplastes a été largement explorée, notamment chez le myrtillier, le brocoli ou le mûrier, avec des taux de transfection élevés et des perspectives de régénération sans transgène.
Ces travaux montrent que l’optimisation des systèmes in vitro est un prérequis essentiel pour tirer pleinement parti des outils d’édition génomique, en particulier dans les espèces ligneuses ou récalcitrantes.
Quand les plantes se défendent grâce à leur ARN
Plusieurs présentations portaient sur le Host-induced gene silencing (HIGS) et le Spray-induced gene silencing (SIGS), leurs innovations récentes et leurs applications.
Comment ça fonctionne ?
Le « Host-Induced Gene Silencing » (HIGS), ou silençing génique induit par la plante hôte, est une stratégie de protection des cultures basée sur l’ARN interférent (RNAi).
Avec le HIGS, la plante est génétiquement modifiée pour produire des ARN double brin (dsRNA) ciblant des gènes essentiels d’un pathogène ou d’un ravageur (champignon, insecte, nématode…). Lorsque ce dernier attaque la plante, il absorbe ces ARN, ce qui déclenche un « silençing » de ses propres gènes — et donc une perte de virulence ou de viabilité. Ainsi, la plante agit comme un « piège moléculaire » et le pathogène est neutralisé de façon ciblé, sans pesticide. C’est une méthode transgénique (contrairement au SIGS), mais très spécifique et durable.

Source : Beernink, B. M., Amanat, N., Li, V. H., Manchur, C. L., Whyard, S., & Belmonte, M. F. (2024). SIGS vs. HIGS: opportunities and challenges of RNAi pest and pathogen control strategies. Canadian Journal of Plant Pathology, 46(6), 675–689. https://doi.org/10.1080/07060661.2024.2392610
Et le « silençing » par pulvérisation (SIGS) ?
Le « Spray-Induced Gene Silencing » (SIGS) est une application innovante du gene silencing. Elle consiste à pulvériser sur les plantes des ARN interférents double brin (dsRNA) conçus pour cibler des gènes spécifiques de pathogènes ou de ravageurs.
Cette approche a pour avantage d’être une méthode non transgénique (aucune modification de l’ADN de la plante n’est requise), de cibler de façon précise les pathogènes, de présenter une dégradation rapide dans l’environnement (pas de résidus persistants) et d’être compatible avec les stratégies de protection intégrée.
Des formulations à base de nanoparticules ou de vésicules sont en cours de développement pour améliorer la stabilité et l’efficacité de ces ARN pulvérisés.
Données, perceptions et réglementation : des leviers pour l’innovation
Plusieurs interventions ont mis en lumière des dimensions complémentaires à la recherche technologique :
- L’EFSA a présenté les évolutions du cadre réglementaire européen concernant les nouvelles techniques génomiques (NGT), enjeu clé pour leur déploiement futur.
- Des chercheurs suédois ont exploré la perception des consommateurs vis-à-vis des biotechnologies végétales, soulignant l’importance de la transparence et de la pédagogie.
- Enfin, des outils de phénotypage multi-omique couplés à l’intelligence artificielle ont été proposés pour mieux caractériser les plantes et accélérer la sélection variétale.
Ces approches transversales — réglementaires, sociétales et analytiques — sont essentielles pour accompagner l’innovation et renforcer l’acceptabilité des nouvelles technologies dans le secteur horticole.
Une dynamique scientifique en pleine effervescence
BIOTECHINHORT 2025 a mis en lumière la vitalité de la recherche en biotechnologie horticole à l’échelle internationale. Les échanges ont permis de croiser les expertises, de confronter les approches méthodologiques et de faire émerger de nouvelles pistes de collaboration. Ce symposium a illustré la capacité de la communauté scientifique à relever collectivement les défis du végétal spécialisé, en mobilisant des outils de pointe au service d’une horticulture plus résiliente, durable et innovante.

Sources
Beernink, B. M., Amanat, N., Li, V. H., Manchur, C. L., Whyard, S., & Belmonte, M. F. (2024). SIGS vs. HIGS: opportunities and challenges of RNAi pest and pathogen control strategies. Canadian Journal of Plant Pathology, 46(6), 675–689. https://doi.org/10.1080/07060661.2024.2392610
Ray P, Sahu D, Aminedi R and Chandran D (2022) Concepts and considerations for enhancing RNAi efficiency in phytopathogenic fungi for RNAi-based crop protection using nanocarrier-mediated dsRNA delivery systems. Front. Fungal Biol. 3:977502. doi: 10.3389/ffunb.2022.977502
Crédits photos
- Image à la une générée par ChatGPT
- Présentation du projet Pétri’Sage ©Vegenov
- Edition génomique – ©vchalup-Fotolia
- Silencing : Beernink, B. M., Amanat, N., Li, V. H., Manchur, C. L., Whyard, S., & Belmonte, M. F. (2024). SIGS vs. HIGS: opportunities and challenges of RNAi pest and pathogen control strategies. Canadian Journal of Plant Pathology, 46(6), 675–689. https://doi.org/10.1080/07060661.2024.2392610
Laisser un commentaire