Xylella fastidiosa : la lutte se met en place

 Xylella fastidiosa, qui ne connait pas le nom de cette bactérie tristement célèbre pour être « la bactérie tueuse d’arbres » ? Cette bactérie polyphage est capable de s’attaquer à plus de 300 espèces végétales dont des espèces pérennes d’importance économique comme la vigne ou l’olivier. Après l’Amérique du Nord, du Sud, et l’Asie, Xylella est arrivée en Europe en 2013 et en France en 2015.

A l’heure actuelle, la destruction des arbres touchés et la lutte contre les insectes qui la véhiculent de plantes en plantes sont les seuls outils pour limiter sa prolifération. Aucune méthode curative ni produit de protection n’existent pour lutter contre cette maladie.

Au vu des pertes économiques et de la menace qu’elle confère des programmes français et européens se mettent en place, afin de mieux comprendre ce pathogène et trouver des solutions efficaces et durables pour le maîtriser.

Qui est Xylella ?

La maladie causée par Xylella fastidiosa fut décrite pour la première fois sur vigne en Californie en 1888 par Davis Pierce. J. Wells lui donna son nom officiel de Xylella fastidiosa en 1987, en lien avec sa culture fastidieuse in vitro (Wells et al., 1987).

L’espèce Xylella fastidiosa est composée de six sous-espèces : fastidiosa, multiplex, pauca, sandyi, morus et tashke ayant chacune un spectre d’hôtes différent. Classée organisme de quarantaine depuis 1997 (sur la liste A1 de l’EPPO), elle est capable de se multiplier dans 309 espèces végétales différentes, de manière symptomatique ou asymptomatique (EFSA 2015, EPPO, lepoint.fr).

Xylella prolifère dans les vaisseaux conducteurs du xylème qui transportent la sève brute. Lorsque sa présence est symptomatique, sa multiplication et la production d’exopolysaccharides vont peu à peu obstruer les vaisseaux, limitant la circulation de la sève (EPPO). Elle provoque ainsi des symptômes différents selon la plante hôte, souvent proches de ceux engendrés par des stress abiotiques (sécheresse, carences), ce qui peut rendre la maladie difficilement détectable.

Comment se propage-t-elle ?

L’arrivée de Xylella dans une région peut être due à la plantation ou au greffage malencontreux d’une plante infectée.

Néanmoins, les insectes piqueurs-suceurs sont les principaux responsables de la dissémination du pathogène. En effet, tous ceux se nourrissant de la sève du xylème seraient de potentiels vecteurs (EPPO). En Europe, ceux de la famille des Cicadellidaes (cicadelles), cicadidaes (cigales), et de la super-famille des Cercopoidera sont particulièrement pointés du doigt (EFSA 2015).

Ces insectes acquièrent Xylella en se nourrissant, puis celle-ci se multiplie dans leur tube digestif durant le reste de leur vie sans leur porter préjudice. Particulièrement gourmands et capable de consommer plusieurs centaines de fois leur propre volume de sève par jour, ces insectes disséminent Xylella de plante en plante et se révèlent de véritables fléaux dans la lutte contre cette bactérie.

Olivier

Olivier

Pour le moment, seul le continent Africain semble épargné par la menace de Xylella (EPPO, cabi). En effet, depuis 1880 Xylella a successivement attaqué les Amériques, l’Iran et Taiwan, avant d’arriver plus récemment en Europe. Depuis 2013 la sous-espèce pauca fais trembler la région des Pouilles dans le sud de l’Italie puisqu’en trois ans on estime à 1.8 million le nombre d’oliviers qui y ont été infectés (libération.fr).

 

Polygale à feuille de myrte

Polygale à feuille de myrte

En juillet dernier Xylella fastidiosa subsp. multiplex a été identifiée en Corse. Différente de la souche italienne, celle-ci attaque principalement, non pas les oliviers mais la polygale à feuille de myrte (Polygala myrtifolia). Entre le 28 août et le 15 octobre le nombre de foyers identifiés sur l’Ile de Beauté est passé de 56 à 143 (Phytoma n°683 et 688). Puis, en octobre dernier la même bactérie a été identifiée dans deux villes des Alpes-Maritimes, laissant envisager que la France puisse être le prochain pays à subir les ravages de ce pathogène.

Comment lutter ?

Aujourd’hui, aucun moyen curatif efficace et autorisé n’existe pour lutter contre Xylella (e-phy). Surveillance, prophylaxie et destruction sont donc les maîtres mots du combat contre ce pathogène. (cf nos précédents billets de blog : Quand le pathogène paraît… et Pathogènes de quarantaine, quels moyens de lutte ?)

Au vu des pertes économiques et de la menace qu’elle représente, Xylella a été classée organisme de lutte obligatoire sur le territoire français avant qu’un plan d’action national ne soit mis en place. Ceux-ci visent à empêcher l’import sur le continent du pathogène, par des contrôles aux frontières, et le cas échéant la mise en place de mesures pour l’éradiquer. Ainsi en cas d’infection, toute plante contaminée ou classée hôte dans un rayon de 100 m est détruite.

De la France à l’Europe : les programmes en cours et à venir

Face à la menace la France et l’Europe ont mis en place des actions. La DGAL a créé un poste dont l’objectif est d’instaurer une politique phytosanitaire contre Xylella. Des rencontres s’organisent, comme le séminaire du RFSV (Réseau français de santé du végétal) en janvier 2016 proposant un exposé-débat.

Horizon 2020Au niveau européen, un programme pour la recherche et l’innovation sur 7 ans, nommé Horizon 2020, a été créé en 2014. (cf précédent billet de blog : Instrument PME : Le dispositif d’une ambition européenne). La ligne thématique 9 « SFS-9-2016: Spot on critical outbreak of pests: The case of Xylella fastidiosa », du défis sociétal « Sécurité alimentaire, agriculture durable, recherche marine et maritime et biotechnologies », lui est consacrée. Ce programme a pour objectif de rassembler des organismes publics et privés de différents pays afin d’enrichir les connaissances sur Xylella, d’améliorer sa prévention, sa détection et son contrôle, puis d’élaborer des directives et solutions afin d’éradiquer ou limiter l’épidémie (cf précédent billet de blog : Voie express pour l’innovation : L’Europe soutient l’innovation dans les PME).

 

Sources :

Articles

J. Wells, B. Raju, H. Hung, W. Weisburg, L. Mandelco-Paul, D. Brenner – Xylella fastidiosa gen. nov., sp. nov: Gram-Negative, Xylem-Limited, Fastidious Plant Bacteria Related to Xanthomonas spp. International Journal of Systematic Bacteriology 1987, vol.37, p.136-143.

M. Davis, A. Purcell, S. Thomson – Pierce’s disease of grapevines: isolation of the causal bacterium. Sience 1978, vol.199, p.75-77.

EFSA journal – Scientific Opinion on the risk to plant health posed by Xylella fastidiosa in the EU territory, with the identification and evaluation of risk reduction options. EFSA journal 2015, vol.13(1) :3989

OEPP Fiche informative sur les organismes de quarantaine, Xylella fastidiosa

INRA communiqué de presse 22 septembre 2015, Xylella fastidiosa Le centre Inra Angers-Nantes Pays de la Loire mobilisé sur la recherche menée sur cette bactérie

ANSES, fiche de reconnaissance des symptômes

Sites internet :
http://www.eppo.int/QUARANTINE/listA1.htm

https://gd.eppo.int/taxon/XYLEFA

http://www.liberation.fr/terre/2015/07/23/en-italie-les-pouilles-depouillees_1352912

http://www.lepoint.fr/science/ce-que-vous-devez-savoir-sur-xylella-fastidiosa-20-10-2015-1975067_25.php

http://agriculture.gouv.fr/le-point-sur-les-foyers-de-xylella-fastidiosa-en-france

http://www.cabi.org/isc/datasheet/57195

http://e-phy.agriculture.gouv.fr/ecoacs/2ad1003156.htm

 

Ce billet de blog a été rédigé conjointement par Enora Dupas, ingénieur en pathologie végétale à Vegenov et Marie Turner, responsable de l’équipe protection et nutrition des cultures 

Crédits photos :
Cute Germ Characters Prohibition Sign, Bacteria, Virus, Microbe, Pathogen © muchmania
Cicadelle © Claude Calcagno
Closeup of Cicada (Lyristes plebejus) © Christian Musat
Polygala myrtifolia © veressalbert
Olive tree in apulia countryside (Italy) © adamico

 

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Ce billet a été rédigé par Marie Turner
Responsable R&D Protection et Nutrition des Plantes Spécialisée dans les interactions plantes-microorganismes, qu’ils soient bénéfiques ou pathogènes pour les plantes, Marie est une phytopathologiste qui travaille à la recherche de solutions de protection des plantes pour une agriculture durable.