Quoi de neuf in vitro ?

 

Les 26 et 27 juin derniers s’est tenu à Vienne en Autriche, la deuxième conférence internationale intitulée : « Plant cells in vitro : Fundamentals and Applications ». Cette conférence a rassemblé une centaine de chercheurs spécialistes des techniques de culture in vitro de végétaux.
Les contributions des 30 orateurs, ainsi que les posters, ont balayé différents domaines de recherche : depuis les plus fondamentaux sur les mécanismes moléculaires de la différenciation cellulaire et de l’organogenèse, jusqu’aux techniques de micropropagation, d’embryogenèse somatique et de production d’haploïdes doublés.

Parmi les posters ou exposés traitant de l’optimisation de techniques de production de plantes haploïdes doublées chez diverses espèces (piment, concombre, avoine etc), des travaux plus exploratoires ont été présentés.

 

« Trop de stress n’est jamais bon ! »

C’est également vrai en androgenèse ! Si on sait depuis de nombreuses années que la réorientation du développement de la microspore vers l’embryogenèse in vitro est induite par le stress, des différences de réactivité entre génotypes d’une même espèce peuvent s’expliquer par une sensibilité variable, et parfois trop forte, à celui-ci.

Patricia Corral-Martinez, de l’université de Wageningen, a présenté le résultat de ses travaux en cours sur les mécanismes d’autophagie dans les microspores de colza en culture. Ses travaux tendent à montrer que le stress et la réorientation du développement s’accompagnent d’un mécanisme d’ « auto-nettoyage » de la cellule : protéines et organites endommagés par le stress thermique sont éliminés. Si ce nettoyage combine autophagie (transfert des déchets vers la vacuole) et excrétion hors de la cellule, le développement embryonnaire est possible. Si l’autophagie est massive, la vacuole devient très grosse, le développement est anormal et se restreint à de la callogenèse. On peut ainsi visualiser dans les cultures, assez précocement, une réaction trop forte et inadaptée.

 

 

Technologies d’induction d’haploïdes par pollinisation intra-spécifique : Pourra-t-on bientôt se passer de l’in vitro ?

En 2010, Ravi et Chan publiaient un résultat de recherche remarquable, qui ouvrait des perspectives importantes en haplométhodes : un gène codant pour une histone (CENH3) modifié génétiquement chez Arabidopsis induisait la formation d’haploïdes lors de la fécondation avec un génotype non transgénique. Et ce, sans passer par la culture in vitro ! On pourrait générer des haploïdes facilement, de façon systématique et chez de nombreuses espèces (notamment celles qui sont récalcitrantes in vitro).

Anne Britt, chercheuse américaine, a repris les travaux de cette équipe de UC-Davis. Lors de son exposé, elle a montré qu’il est possible de produire des génotypes inducteurs par mutagénèse : on s’affranchit ainsi de la structure transgénique. Quelle que soit la méthode d’obtention de cet inducteur avec CENH3, la fréquence de plantes haploïdes obtenues est restreinte, 50% avec le gène modifié et 1 à 12% avec les gènes mutés. Des essais sont en cours chez la tomate, notamment, mais cette mutation semble difficile à trouver chez cette espèce. Il reste du travail à faire !

 

Chez le maïs, l’obtention d’haploïdes par simple fécondation est une technique très utilisée depuis les années 50. L’utilisation comme donneur de pollen d’une lignée inductrice permet d’obtenir dans la descendance jusqu’à 10% d’embryons haploïdes, entourés par un albumen normal permettant la survie et la germination de l’embryon. Thomas Widiez, de l’ENS Lyon, dans son exposé, a décrit la démarche empruntée afin d’identifier le gène contenu dans le QTL majeur précédemment mis en évidence par Pierre Barret de l’INRA et ses collègues. Ce gène a été nommé « NOT LIKE DAD » , en référence à l’absence de matériel génétique du père dans l’embryon. Il est le fruit d’une collaboration entre les chercheurs français (ENS Lyon, CNRS, INRA) et Limagrain.

Les autres QTL impliqués dans ce mécanisme de gynogenèse sont probablement responsables des fréquences différentes en plantes haploïdes générées lors de ces croisements. En effet, au cours des années, les sélectionneurs ont réussi à identifier des inducteurs plus forts, avec de meilleurs rendements. Cependant, le mécanisme biologique aboutissant à cette double fécondation sans hybridation au sein de l’embryon est encore loin d’être compris. Pour l’instant, l’équipe a pu démontrer que ce gène, codant pour une phospholipase spécifique du pollen mature, s’exprime durant la pollinisation, mais déjà plus trois jours après la fécondation !

Comme le précédent, ce système ouvre des perspectives pour les spécialistes des autres espèces végétales, mais à condition de pouvoir trouver des séquences équivalentes dans les génomes différents… Les techniques de culture in vitro ont encore de beaux jours devant elles !

 

Crédits photos :
Colza : @vegenov
Maïs : golden flowers with green leaves of corn field against blue sky in sunshine, background of green corn field, sunny wallpaper with green corn field - © Riko Best
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Ce billet a été rédigé par Manuelle Bodin
C’est avec plus de 15 ans d’expérience dans le développement d’outils de biologie cellulaire pour les sélectionneurs que Manuelle, grâce à son équipe, met en place des solutions techniques adaptées à chaque espèce végétale.