Le phénotypage : processus clé en amélioration des plantes

Phénotypage racinaire laitue

Dans un monde confronté à des pressions croissantes liées au changement climatique, à la réduction des intrants de synthèse et à la sécurité alimentaire, l’amélioration des plantes joue un rôle crucial pour répondre aux attentes sociétales. Au cœur de ce processus, le phénotypage permet de décrire le potentiel génétique des plantes dans leur environnement en les confrontant à divers stress biotiques ou abiotiques, différentes pratiques culturales etc. Cela permet ainsi de sélectionner des génétiques d’intérêt pour créer des variétés plus résistantes, plus productives, et mieux adaptées à ces nouveaux défis.

L’amélioration des plantes joue un rôle essentiel dans notre quête de sécurité alimentaire dans une période de contraintes accrues résultant du changement climatique. Elle participe également à un meilleur respect de l’environnement en favorisant la diminution des intrants. Pourtant, derrière chaque nouvelle variété de plante se cache un processus complexe qui fait appel à une diversité de techniques. L’une de ces techniques est le phénotypage. Elle consiste à mesurer les caractéristiques visibles des plantes, de manière individuelle. Le phénotypage, intimement lié à la domestication des espèces, bénéficie de l’évolution des technologies qui permettent de mesurer encore plus précisément des caractéristiques parfois invisibles à l’œil nu. Dans cet article, nous explorerons l’importance du phénotypage en amélioration des plantes et la façon dont il répond à notre besoin de développer des variétés plus résistantes et mieux adaptées à notre monde en constante évolution.

Comprendre le phénotypage

Au cœur de chaque plante se trouvent des gènes, ces morceaux d’ADN qui contiennent l’information pour chaque caractéristique d’une plante, comme la couleur des fleurs ou la résistance aux maladies. Cependant, tous les gènes ne sont pas exprimés de la même manière, et de nombreux facteurs, tels que d’autres gènes de la plante ou l’environnement, peuvent influencer leur fonctionnement et donc le résultat visible (ou mesurable) de leur expression.

Le phénotypage consiste à mesurer les caractéristiques visibles d’une plante, c’est-à-dire son phénotype. Le phénotype d’une plante est le résultat des interactions entre son génome et son environnement. En observant et en mesurant les traits physiques tels que la taille, la date de floraison, la résistance aux maladies et le rendement, dans un environnement donné et avec un dispositif expérimental adapté, il est possible de déduire la présence ou l’absence de certains gènes. Les chercheurs et les sélectionneurs peuvent ainsi mieux comprendre le potentiel de chaque plante et ainsi participer au processus d’amélioration des plantes pour la création de nouvelles variétés.

L’importance du phénotypage dans la sélection des variétés

Le phénotypage est la méthode qui permet de déduire le potentiel génétique par l’étude du caractère exprimé. Grâce à cette technique, les sélectionneurs peuvent identifier les plantes les plus performantes et qui sont le plus adaptées à leurs objectifs de sélection : celles qui résistent le mieux aux maladies, qui produisent de plus grands rendements, ou qui sont mieux adaptées à des conditions environnementales spécifiques. Un phénotypage fiable et précis peut aussi permettre une meilleure compréhension des mécanismes génétiques sous-jacents à l’expression d’un caractère et ainsi permettre le développement de marqueurs moléculaires utilisables en sélection assistée par marqueurs. Enfin, dans le cas de caractères complexes, le phénotypage permet également d’identifier différents niveaux d’expression de caractères en lien avec la génétique de la plante. La capacité à identifier les plantes prometteuses (adaptées à des sols arides par exemple) grâce au phénotypage permet d’optimiser le processus de sélection.

Exemples d’application en amélioration des plantes :

Amélioration de la résistance aux maladies : En mesurant la réponse des plantes aux maladies (symptômes), le phénotypage permet d’observer la capacité des plantes à se défendre et donc de sélectionner des plantes résistantes ou tolérantes, contribuant ainsi à réduire la dépendance aux pesticides.

Sporulation de mildiou sur feuille d’artichaut

Adaptation au changement climatique : Le phénotypage est essentiel pour développer des variétés végétales capables de prospérer dans des conditions climatiques changeantes. Il permet de mesurer la tolérance au stress hydrique, à la chaleur, au froid, ou d’autres facteurs environnementaux.

Phénotypage racinaire du chou en conditions contrôlées mené à Vegenov

Amélioration de la qualité alimentaire : En évaluant les composants chimiques des plantes, le phénotypage contribue à l’amélioration de la qualité des cultures, notamment la teneur en éléments nutritifs, en antioxydants, et en composés phytochimiques bénéfiques pour la santé. Les propriétés sensorielles (goût, texture…) peuvent également être évaluées afin de favoriser une adhésion du consommateur aux nouvelles variétés développées.

Les outils et technologies de phénotypage permettent d’accélérer le processus d’amélioration des plantes

Les progrès technologiques sont en train de radicalement transformer la manière dont nous allons réaliser le phénotypage. Des méthodes traditionnelles d’observation visuelle aux technologies de pointe, telles que l’imagerie multispectrale et hyperspectrale, la télédétection et l’analyse d’image automatisée, nous disposons maintenant d’un éventail d’outils puissants pour collecter et analyser des données de manière précise et à grande échelle.

Convoyeur automatisé transportant des plantes en pots entre des espaces d’irrigation et une chambre d’imagerie de la plateforme PhenoArch au LEPSE

Les défis et les perspectives futures

Actuellement, la plupart des entreprises de création variétale utilisent des opérations manuelles de collecte et de gestion des données. Ces pratiques nécessitent une quantité considérable de ressources humaines et limitent l’efficacité en termes de temps et d’erreurs.

Avec le développement du phénotypage à haut débit et le phénotypage de précision, l’étude de caractères complexes, la collecte de données à grande échelle, et leur quantité vont aller en augmentant. Il deviendra essentiel de prendre en compte ces changements de méthodes dans la mise en œuvre du phénotypage. Il est important de concevoir et d’appliquer un protocole robuste et fiable afin de garantir une bonne qualité et une utilisation efficace de ces données en amélioration des plantes.

Le phénotypage est bien plus qu’une simple observation. C’est une technique qui éclaire le potentiel génétique des plantes et qui permet d’optimiser la sélection des variétés. Les progrès réalisés au cours des dernières décennies dans le domaine du phénotypage sont la preuve d’un intérêt grandissant dans ces techniques, qui, de pair avec la génomique, permettent des avancées significatives dans les processus d’amélioration des plantes et d’adaptation des cultures à de nouveaux climats.

Suggestions de lectures complémentaires

  • Reynolds, Matthew, Scott Chapman, Leonardo Crespo-Herrera, Gemma Molero, Suchismita Mondal, Diego N.L. Pequeno, Francisco Pinto, et al. « Breeder Friendly Phenotyping ». Plant Science 295 (juin 2020): 110396. https://doi.org/10.1016/j.plantsci.2019.110396. Watt, Michelle, Fabio Fiorani, Björn
  • Usadel, Uwe Rascher, Onno Muller, et Ulrich Schurr. « Phenotyping: New Windows into the Plant for Breeders ». Annual Review of Plant Biology 71, no 1 (2020): 689‑712. https://doi.org/10.1146/annurev-arplant-042916-041124.

Crédits photos :

  • Image à la une : Thanongsak #606983655 Adobe Stock Fotolia®
  • Sporulation de mildiou sur feuille d’artichaut : Vegenov-Claudie Monot
  • Phénotypage racinaire du chou en conditions contrôlées mené à Vegenov : Crédit photo : Vegenov-Victoire Jaulin
  • Convoyeur automatisé transportant des plantes en pots entre des espaces d’irrigation et une chambre d’imagerie de la plateforme PhenoArch au LEPSE : Llorenç Cabrera-Bosquet et Dongryung Lee.
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Ce billet a été rédigé par Charlotte Roby
Chargée de projet en Amélioration et Traçabilité des Plantes, Charlotte travaille principalement à identifier et développer des marqueurs moléculaires permettant de détecter la diversité au sein du végétal et d’accélérer les programmes de création variétale.