Les partenariats public – privé pour booster l’innovation

La recherche publique française est de bon niveau, mais les transferts de technologie et de connaissance entre recherche et entreprises, pour aboutir à des innovations, sont insuffisants. Les partenariats public – privé (PPP), promus depuis une dizaine d’année par l’Etat, font partie des leviers pour accélérer l’innovation. Un article récent de Marie-Cécile Damave fait le point sur ces PPP dans le secteur agricole et agroalimentaire.

 

Marie-Cécile Damave a publié le 7 avril 2017 un article issu de la réflexion d’un groupe de travail du think tank saf agr’iDées, sur les partenariats public-privé.

La France en retard sur l’innovation

 

Voir la définition de l’innovation dans notre billet précédent : De la nécessité de distinguer R&D et innovation

 

Illustration of an isolated light bulb with the map of France

La France est classée par l’OCDE dans la catégorie « innovateur – suiveur ». L’auteure rappelle quelques chiffres qui montrent que les interactions recherche entreprise sont faibles dans notre pays : par exemple, « le taux de financement de la R&D publique par les entreprises, n’est que de 4 à 5% en France, contre 12% en Allemagne et 10% aux Pays-Bas ». Le pourcentage d’entreprises collaborant avec la recherche publique, ainsi que le nombre de publications scientifiques publiques-privées, sont également plus faibles en France que dans d’autres pays développés.

L’auteure identifie quelques causes telles que le cloisonnement entre les grands organismes de recherche et surtout le manque d’incitation pour les chercheurs à s’engager dans des actions de transfert et/ou des travaux de recherche avec des retombées sociales ou économiques.

Je me permets d’ajouter à ce constat la relative faiblesse du soutien apporté en France à la sphère des organismes spécialisés dans le transfert et l’innovation : instituts techniques, centres de ressources technologiques, dont le modèle économique est fragile. Il serait pertinent que la France s’inspire du modèle des Fraunhofer allemands et assure la pérennité de ces structures dont la double culture recherche – entreprise est un gage de succès pour la transformation des résultats de recherche en succès économiques (Lire sur ce sujet : Recherche appliquée et transfert de technologie et si nous suivions un peu le modèle allemand).

Ce constat n’empêche pas les entreprises françaises de tirer leur épingle du jeu de l’innovation : « le classement de Clarivate Analytics, paru en janvier 2017, donne un aperçu plus positif de l’état de l’innovation technologique en France, tous secteurs confondus. Ce classement concerne les entreprises privées les plus innovantes au monde et situe 10% d’entre elles dans notre pays, loin derrière les Etats-Unis (qui en concentrent 39%) et le Japon (34%), mais devant tous les autres pays européens, et en particulier l’Allemagne (4%). »

 

Les partenariats public – privé : un des leviers

 

Business ParthershipLes partenariats public-privé font partie des leviers permettant de favoriser l’innovation en décloisonnant les mondes de la recherche publique et de l’entreprise, et l’Etat a multiplié depuis plus de dix ans les politiques pour les encourager.

La définition de partenariat, telle que retenue par le CIRAD, est utilement rappelée dans cet article : « un partenariat est une relation inter-organisationnelle, coopérative et négociée, à bénéfice mutuel et entretenue par un processus de communication continu et s’inscrivant dans la durée ».

PPP spécifiques du secteur agricole et agro-alimentaire

labours au coucher du soleilCertains PPP sont spécifiques au monde agricole : les RMT (réseaux mixtes technologiques) et UMT (unités mixtes technologiques), lancés et soutenus par le Ministère de l’Agriculture, favorisent les partenariats entre les organismes publics de formation et de recherche, les chambres d’agriculture et les instituts techniques agricoles et/ou agroindustriels (ITA et ITAI). Ces réseaux et unités favorisent l’appropriation par la recherche publique des questions du terrain, dont la résolution constitue le quotidien des instituts techniques.

L’auteure cite également les réseaux d’innovation et de transfert agricole (RITA), qui regroupent dans chaque département d’Outre-Mer les acteurs de la formation, de l’enseignement et de la recherche, permettant ainsi la cohérence et la coordination des projets.

Enfin, « Le Fonds de Soutien à l’Obtention Végétale (FSOV) finance des programmes de recherche sur les variétés de céréales à paille au service de l’agriculture durable. Le FSOV est alimenté par les agriculteurs, par le biais de la Contribution Volontaire Obligatoire (CVO) par tonne de céréales à paille livrées aux collecteurs ». Ce fonds permet de lancer des projets réunissant la recherche publique, en particulier l’Inra, les entreprises semencières et l’institut technique Arvalis (Ajoutons, sur le même modèle, le FSRSO (fonds de soutien à la recherche semencière oléagineuse).

PPP non spécifiques du secteur agricole et agro-alimentaire

Il existe également de nombreux outils généralistes, au sein desquels les PPP agricoles et agroalimentaires ont trouvé leur place.

Dès 1999, la loi Allègre favorisait la création d’entreprises par les chercheurs. Les doctorats CIFRE sont également accessibles aux entreprises de notre secteur.

investissements_davenir_-_logoEn 2010, les Programmes Investissement d’Avenir (PIA) ont été lancés, au sein desquels les PPP ont la part belle : les Projets de Recherche Collaborative– Entreprises (PRCE), les LabCom, laboratoires communs entre un laboratoire public et une entreprise, les Chaires Industrielles et les Instituts Carnot. Le label Institut Carnot est accordé à un ou plusieurs laboratoires et/ou centres techniques se regroupant pour offrir des prestations de R&D aux entreprises. Leur financement par l’Etat est proportionnel au montant de la recherche partenariale qu’ils mènent avec les entreprises.

De nombreux projets agricoles ont été financés par les PIA : AMAIZING (maïs), AKER (betterave), BREEDWHEAT (blé), RAPSODYN (colza), ou SUNRISE (tournesol) associent entreprises, laboratoires et centres techniques.
Le PIA 3, dernier en date, met notamment l’accent sur le développement durable et la croissance verte, à travers la transition énergétique, l’économie circulaire, la chimie verte et la préservation de la biodiversité, et devrait être favorable aux projets agricoles.

Les pôles de compétitivité, créés en 2004, avaient pour objectif, sur une thématique et un territoire, de rapprocher entreprises et recherche publique en promouvant des projets de recherche collaborative. Une dizaine d’entre eux est spécialisée sur l’agriculture et l’agroalimentaire.

 

Les conditions du succès

 

Multiplier les partenariats public – privé ne garantit pas leur succès, dont l’auteure cite quelques conditions.

Success key concept as a group of people running across two cliffs with a giant golden brass security object acting as a bridge to reach opportunity with 3D illustration elements.

Porter une vision commune

Selon l’auteure, c’est une vision commune des membres fondateurs qui est à l’origine du succès, par exemple, des pôles IAR et Cosmetic Valley. L’importance de la cohérence entre les ambitions portées par les politiques et les initiatives portées par les partenaires publics et privés, est également soulignée.

Choisir les partenaires

La différence de culture entre partenaires privés et public est une source d’enrichissement mutuel, mais elle rend encore plus nécessaire que les attendus et intérêts de chacun soient clairement explicités dès le début du projet.

S’inscrire dans la durée

La durée permet d’établir la nécessaire confiance et favorise l’efficacité des processus entre les partenaires. Les GIE Procolza, Promaïs et Promosol, ainsi que le GIS Biotechnologies Vertes, dont certains existent depuis près de 40 ans, sont cités pour leur efficacité à développer des partenariats ambitieux et productifs.

Circonscrire le périmètre d’action

Un périmètre trop large ou trop ambitieux conduit à une dispersion et à des résultats décevants. L’auteure cite le premier plan Ecophyto, dont les résultats se sont avérés en deça des promesses, et met en avant la révision pragmatique des objectifs du deuxième plan Ecophyto.

Répartir équitablement les retombées

La juste répartition des fruits du partenariat est également un sujet sensible, compte tenu des différences de contraintes et de culture des partenaires. La clarification des modalités de communication des résultats, notamment, est à préciser dès le départ.

 

Pour en savoir plus …

 

L’auteure évoque ensuite la mesure de l’efficacité des PPP, puis cite quelques domaines où les PPP sont selon elle incontournables : secteur semencier, très dépendant de la R&D, petites entreprises sans recherche propre, et thématiques transversales, telles que la bioéconomie (projet SINFONI sur les « fibres techniques végétales lin et chanvre à usages matériaux » plateforme IMPROVE sur la valorisation des protéines du futur, Consortium national sur le Biocontrôle…).

Crédits photos :PPP : Partenariat public-privé © D-Plume - Fotolia
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Success Key Concept - © freshidea - Fotolia
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Ce billet a été rédigé par Serge Mabeau
Directeur de Vegenov Des végétaux marins aux végétaux terrestres, 30 ans d'expérience en recherche appliquée et surtout en centre technique : CNRS, Ifremer, Céva, Vegenov. Une forte implication dans le développement économique et l'innovation (agence de développement, pôles de compétitivité…)