Nutrition et Biostimulation : le point sur l’action des microorganismes

Les biostimulants sont définis par l’EBIC (European Biostimulant Industry Council) comme « des produits contenant des substances et/ou des microorganismes qui, lorsqu’ils sont appliqués aux plantes ou à la rhizosphère, ont pour fonction de stimuler les processus naturels pour améliorer/favoriser l’absorption des nutriments, la tolérance aux stress abiotiques et la qualité des récoltes. Les biostimulants n’ont pas d’action directe vis-à-vis des agents phytopathogènes et n’entrent donc pas dans la réglementation des produits phytopharmaceutiques ». Ce billet de blog est l’occasion de faire le point sur l’usage des microorganismes en tant que biostimulants.

 

Les interactions entre les plantes et leur environnement direct (rhizosphère et phyllosphère) font l’objet de travaux de recherche pour mieux comprendre le mode d’action des microorganismes bénéfiques pour les cultures. Nous allons présenter certains d’entre eux.

 

Les PGPR et PGPF

De nombreux microorganismes, bactéries ou champignons, naturellement présents dans le sol ou bien appliqués au niveau du système racinaire vont contribuer à la croissance des plantes environnantes. On parle de PGPR ou Plant Growth-Promoting Rhizobacteria pour les bactéries et de PGPF ou Plant Growth-Promoting Fungi pour les champignons.

 

Ces microorganismes agissent via différents modes d’action :

Certains d’entre eux, comme les bactéries du genre Azotobacter, peuvent produire des phytohormones (auxine, gibbérelline, citokinine, …), des acides aminés ou des vitamines favorables à la croissance de la plante.

Des bactéries, libres dans la rhizosphère, sont capables de fixer l’azote de l’air et de le restituer sous forme d’ammonium disponible pour la plante (c’est notamment le cas des bactéries du genre Azotobater ou Azospirillum).

Il existe aussi des bactéries symbiotiques comme celles appartenant au genre Rhizobium. Contrairement à Azotobacter ou Azospirillum, ces bactéries se développent dans les nodosités de certaines plantes comme les légumineuses et permettent également de fixer l’azote de l’air et de le restituer sous une autre forme assimilable par la plante. Ainsi, intégrer des légumineuses dans une rotation culturale permettra, notamment, d’améliorer la quantité d’azote biodisponible pour la culture suivante.

Enfin, certaines bactéries, comme des Bacillus sp. ou Pseudomonas sp. et des champignons, comme Trichoderma sp., ont une action de solubilisation de certains éléments nutritifs, à l’instar du potassium ou du phosphore. Une fois solubilisés, ces éléments sont biodisponibles et assimilables par la plante.

Ces différents modes d’actions contribuent tous potentiellement à un meilleur développement de la plante et pourront conduire à un meilleur rendement.

 

Les champignons mycorhiziens et bactéries endophytes

La mycorhization concerne plus de 90% des plantes. Elle est le résultat d’une symbiose entre la plante et le champignon qui fusionne avec ses racines. Cette interaction à bénéfice réciproque permet à la plante d’améliorer sa nutrition phosphatée, de couvrir une plus grande surface pour la prospection d’éléments nutritifs, mais aussi de former un réseau de signalisation souterrain entre les plantes reliées par un même champignon mycorhizien.

Outre les bactéries présentes dans les nodules des légumineuses, un grand nombre d’espèces de bactéries endophytes existent. Ces bactéries se développent au sein même des organes de la plante hôte. Leurs modes d’action demeurent l’objet de thématiques de recherche. Cependant, certaines bactéries ont montré leur capacité à accélérer la germination et le développement des plantules, à produire des phytohormones, ou à augmenter la résistance de la plante vis-à-vis de stress thermiques, salins ou dûs à la présence de métaux. Cette interaction permet aussi la conversion de nutriments en éléments assimilables par la plante hôte.

Des travaux récents menés par une équipe de l’Austrian Institute of Technology (AIT) ont permis de développer une nouvelle approche afin d’introduire des bactéries endophytes au sein de différentes plantes cultivées, notamment sur maïs, blé et soja (EndoSeedTM). La technique consiste à appliquer les microorganismes endophytes en les pulvérisant sur les fleurs des plants parents puis de récupérer les graines. La transmission verticale d’une génération à la suivante permet alors de retrouver la bactérie dans les graines. La bactérie en question, Paraburkholderia phytofirmans, joue un rôle bénéfique sur la croissance et la santé de la plante.

 

Conditions de croissance et reproduction : des paramètres à bien maîtriser

Ces microorganismes étant vivants, ils ont des paramètres de croissance et de reproduction optimaux et nécessitent un environnement favorable pour se développer.

De nombreux travaux menés en laboratoire ont permis de modéliser les conditions optimales de croissance de certaines bactéries ou champignons. Chaque espèce se distingue par des paramètres biologiques particuliers. Ainsi, un sol présentant une salinité forte, un pH acide ou basique, ou bien encore étant soumis à des températures basses ou élevées, pourra diminuer les chances de succès d’installation de populations microbiennes pulvérisées.

De plus, les exsudats racinaires entretiennent un environnement favorable à l’installation de certains microorganismes. Les sucres sécrétés par les plantes sont consommés par les microorganismes de la rhizosphère. Ces sécrétions étant spécifiques de chaque plante émettrice, les microorganismes s’installeront donc plus ou moins bien selon l’espèce végétale en présence.

L’utilisation de biostimulants microbiens conduit à repenser l’itinéraire technique habituellement mis en œuvre. En effet, il semble évident que si une maladie fongique touche une culture qui a, au préalable, bénéficié de biostimulants microbiens, l’usage de certains fongicides peut être déconseillé. Le risque que ces produits chimiques tuent les populations microbiennes étant très élevé. Outre les fongicides, il est primordial de réfléchir à la compatibilité entre un produit phytopharmaceutique utilisé et les microorganismes appliqués sur la culture.

Il est également important de suivre l’installation des microorganismes apportés ainsi que leur maintien au cours du temps pour s’assurer de leur efficacité.

 

La réglementation

En France, qu’ils soient de nature microbienne, synthétique ou minérale, les biostimulants entrent dans la catégorie des Matières Fertilisantes et Supports de Culture (MFSC). Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de norme spécifique aux biostimulants, cependant les normes NF U44-551/A4 et NF U44-204 permettent leur commercialisation. Au niveau européen, une réglementation est en train d’être mise en place. (voir notre billet de blog sur Les biostimulants : contexte réglementaire).

 

En conclusion

Les microorganismes utilisés comme biostimulants pourraient être un levier pour limiter l’utilisation d’engrais minéraux et limiter l’impact des stress abiotiques. Ils pourraient ainsi participer à la réduction d’utilisation d’intrants de synthèse. Cependant, afin d’assurer les résultats attendus, il faut les utiliser dans une réflexion globale de l’itinéraire technique.

 

 

Sources :

RITTMO Agroenvironnement, Rapport final  (Décembre 2014). Produits de stimulation en agriculture visant à améliorer les fonctionnalités biologiques des sols et des plantes – Étude des connaissances disponibles et recommandations stratégiques.

J.S Singh (2013). Plant Growth Promoting Rhizobacteria – Potential Microbes for Sustainable Agriculture. Resonance (Indian Academy of Science).

Anil, T. Lakshmi (2010). Phosphate Solubilization Potential and Phosphatase Activity Of Rhizospheric Trichoderma Spp. Brazilian Journal of Microbiology.

C.Gurikar, M. K. Naik, M. Y. Sreenivasa (2016). Azotobacter : PGPR Activities with Special Reference to Effect of Pesticides and Biodegradation. Microbial Inoculants in Sustainable Agricultural Productivity.

S.K. Verma, K. Kingsley, M. Bergen, et al. (2018). Bacterial endophytes from rice cut grass (Leersia oryzoides L.) increase growth, promote root gravitropic response, stimulate root hair formation, and protect rice seedlings from disease. Plant and Soil.

Mitter, N. Pfaffenbichler, R. Flavell, S. Compant, et al. (2017). A New Approach to Modify Plant Microbiomes and Traits by Introducing Beneficial Bacteria at Flowering into Progeny Seeds. Frontiers in Microbiology.

EBIC – European Biostimulants Industry Council

INRA Dijon – Plongez au cœur de la symbiose mycorhizienne grâce à la réalité virtuelle !

Académie des Biostimulants : réglementation & normes.

 

Ce billet a été rédigé par Thomas Besnier.

 

Crédits photos : © 123RF
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Ce billet a été rédigé par Marie Turner
Responsable R&D Protection et Nutrition des Plantes Spécialisée dans les interactions plantes-microorganismes, qu’ils soient bénéfiques ou pathogènes pour les plantes, Marie est une phytopathologiste qui travaille à la recherche de solutions de protection des plantes pour une agriculture durable.