QUELS OUTILS POUR LA LUTTE INTÉGRÉE CONTRE LE MILDIOU DE LA POMME DE TERRE ?

L’agriculture française est entrée depuis quelques années dans une démarche de réduction de l’utilisation d’intrants phytosanitaires conventionnels. En culture de pommes de terre, le mildiou (Phytophthora infestans), principal bio-agresseur, est responsable d’un Indice de Fréquence de Traitements (IFT) élevé. La mise en place de solutions alternatives pour lutter contre cette maladie est donc primordial pour la filière. Financé par l’ONEMA, le projet MilPomBio visait à proposer aux producteurs des stratégies de protection intégrant différents leviers tels que l’utilisation de produits de biocontrôle ou le choix de variétés appropriées. Ce billet fait le point sur les résultats de ce projet.

 

La pomme de terre, une culture majeure en France

Les cultures de pomme de terre occupent en France environ 180 000 hectares de grandes cultures : plants et pommes de terre (destinées au marché du frais, de la transformation alimentaire – frites, chips, etc…- et de la transformation industrielle – fécule), auxquels s’ajoutent quelques milliers d’hectares de pommes de terre en maraîchage. Premier exportateur mondial, la France exporte à chaque campagne entre 2,3 et 2,5 millions de tonnes de pommes de terre de conservation.

 

Le mildiou, une maladie redoutable pour la production

Le mildiou de la pomme de terre, causé par Phytophthora infestans, est le principal bioagresseur de cette culture dans le monde. Cette maladie fortement épidémique s’attaque à tous les organes (feuilles, tiges et tubercules) de la plante à tous les stades de développement de la culture, dès lors que les conditions climatiques sont propices. En France, le climat rencontré lors de la culture de la pomme de terre est régulièrement favorable, à très favorable, aux attaques de mildiou (températures douces et humidité). Le mildiou de la pomme de terre peut provoquer des pertes de rendements très importantes, de 50% voire 100% dans les cas d’attaques précoces et violentes (cas de l’année 2007 par exemple) ou en conditions de production en agriculture biologique. En cas d’attaques tardives, ce sera plutôt la qualité des tubercules qui sera affectée, du fait de pourritures avant récolte ou en début de conservation.

 

Des indicateurs de fréquence de traitements (IFT) fongicides élevés (> 10)

La principale méthode de lutte contre cette maladie est l’application préventive de fongicides de synthèse (IFT fongicides moyen 2014 : 14,5, source Agreste aout 2016). Ces traitements concernent presque exclusivement la lutte contre le mildiou. L’enjeu pour les filières pommes de terre est donc d’œuvrer pour atteindre les objectifs de réduction de l’emploi des fongicides du plan Ecophyto tout en assurant l’avenir de la production pour les besoins nationaux et pour le maintien et la croissance des exportations.

 

MilPomBio, objectif trouver des solutions de biocontrôle

Au démarrage du projet, aucune solution de biocontrôle n’était disponible. Le projet MilPomBio (2015-2018), coordonné par Vegenov et impliquant l’UMR IGEPP INRA, Arvalis Institut du Végétal et Bretagne Plants Innovation, a donc eu pour objectif d’identifier des produits de biocontrôle efficaces contre le mildiou, pour les proposer aux producteurs. Ces produits ont été intégrés dans des itinéraires techniques, en association avec d’autres produits phytosanitaires à dose réduite, avec l’usage de variétés plus résistantes et d’OAD pour positionner au mieux les traitements.

 

La sélection des produits de biocontrôle

La première phase du projet a consisté à évaluer l’efficacité de protection d’une quarantaine de produits de biocontrôle (extraits d’algues, extraits de plantes, microorganismes, éléments minéraux et composés organiques) vis-à-vis du mildiou de la pomme de terre en conditions contrôlées. Une quinzaine de produits se sont montrés efficaces pour faire diminuer les symptômes.

Les produits les plus intéressants ont été sélectionnés pour 1/ mieux comprendre leur mode d’action (stimulation des défenses des plantes et des tests d’effet direct) 2/ étudier l’interaction avec la génétique et l’architecture de la plante aux champs 3/ évaluer l’efficacité de protection aux champs en association avec une dose réduite de fongicide sur une variété.

Un premier criblage en plein champ a donc été réalisé avec des produits à base de d’extrait d’algues, de micro-organismes, de plantes seules ou avec du cuivre. Seul le produit contenant du cuivre a permis d’induire une efficacité de protection. Ne pouvant intégrer la liste des produits de biocontrôle, il a été écarté et une deuxième série d’essais a été réalisées.

Plusieurs produits contenant des phosphites ont alors montré une efficacité de protection intéressante en plein champ contre le mildiou de la pomme de terre.

 

Architecture foliaire et développement de la maladie

Un travail a été réalisé sur l’importance de l’architecture foliaire dans le développement de la maladie et l’efficacité des produits de biocontrôle.
Une architecture plus aérée défavorise la maladie. Sur les 4 génotypes étudiés, le même produit à base de phosphite induisait les meilleurs résultats. L’effet de l’architecture était visible mais limité, aucune interaction entre efficacité des produits et architecture foliaire n’a été mise en évidence.

 

Évaluation de stratégies de protection en conditions de production

La dernière étape du projet a consisté à évaluer, en conditions de production, plusieurs stratégies de protection intégrée, associant variétés présentant des niveaux de résistance variables, OAD Miléos, produit de biocontôle et fongicides susceptibles d’apporter un niveau de maladie acceptable. Ce travail a été réalisé sur deux sites différents en termes de conditions pédoclimatiques. Un produit a également été évalué sur une dizaine de variétés afin d’approfondir la question de l’interaction avec la génétique de la plante.

 

Résultats du projet et perspectives pour la production

En conclusion de ce projet, l’utilisation de l’ensemble des leviers a permis une diminution de l’utilisation de produits phytosanitaires conventionnels pour lutter contre le mildiou de la pomme de terre. En particulier, les résultats obtenus avec des produits de biocontrôle à base de phosphites sont encourageants et ont permis une diminution de l’utilisation de produits phytosanitaires conventionnels, de 40 à 80% selon les variétés. Ces produits ont permis une efficacité de protection sur toutes les variétés évaluées, en particulier sur celles présentant des résistantes partielles à fortes.

L’industriel développant les phosphites efficaces a engagé la démarche d’homologation de cette solution en pomme de terre, voire son extension à d’autres filières.

 

 

 

Ce projet a été financé par :

 

 

 

 

 

 

Pour en savoir plus sur ce projet :

  • « Lutte contre le mildiou : allier le biocontrôle à d’autres méthodes (Projet MilPomBio) » – A. MENIL, J-E. CHAUVIN*, R. PELLE, M. BOUSSEAU, D. GAUCHER, G. BEAUVALLET, C. MAUMENE, D. ANDRIVON, C. PASCO, F. VAL, A. BARBARY et M. TURNER Phytoma, n°721 février 2019.
  • « Traitements alternatifs. Vegenov teste de nouveaux produits de biocontrôle » – M. TURNER, A. MENIL., Potato Planet, n°39, Juillet 2016, p.82-83.

 

Cet article a été écrit conjointement par Marie Turner, responsable R&D protection et nutrition des plantes de Vegenov et Juliette Clément, Chargée de Veille et recherche documentaire.

 

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Ce billet a été rédigé par Marie Turner
Responsable R&D Protection et Nutrition des Plantes Spécialisée dans les interactions plantes-microorganismes, qu’ils soient bénéfiques ou pathogènes pour les plantes, Marie est une phytopathologiste qui travaille à la recherche de solutions de protection des plantes pour une agriculture durable.