INRAE propose des scenarios pour un avenir sans pesticides chimiques en 2050

L’agriculture européenne pourra-t-elle produire sans pesticides chimiques d’ici 2050 ? Une étude prospective menée par INRAE a exploré trois scénarios montrant que la transition est possible, à condition de profonds changements à toutes les échelles, du producteur au consommateur en passant par les politiques publiques et réglementaires.

Les impacts des pesticides chimiques sur l’environnement, notamment sur la biodiversité, l’eau, l’air et les sols, ainsi que sur la santé humaine, sont aujourd’hui une préoccupation sociétale majeure. L’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) a réuni pendant deux ans 144 experts, scientifiques et acteurs du monde agricole pour « explorer les chemins possibles » vers une agriculture sans pesticides chimiques en 2050, qui maintient une rentabilité économique suffisante pour être viable pour les producteurs.

Les 3 scénarios explorés pour favoriser l’évolution du système agricole et alimentaire ont été présentés à l’occasion d’un colloque de restitution rassemblant près de 1 400 participants de 64 nationalités le 21 mars dernier à Paris. Pour chaque scénario, la mesure des impacts sur la souveraineté alimentaire européenne et l’environnement ont été pris en compte.

Deux grands principes ont guidé cette prospective. Premièrement, la nécessité de changer de paradigme et de passer d’une démarche incrémentale de réduction de l’usage des pesticides en agriculture à une démarche disruptive visant à construire des systèmes de culture innovants sans pesticides chimiques. Deuxièmement, l’idée que les systèmes de culture sont des composantes des systèmes alimentaires et qu’il faut donc avoir une vision systémique.

Trois scenarios envisagés pour sortir des pesticides chimiques

L’étude a proposé 3 scenarios possibles pour atteindre l’objectif d’arrêter l’utilisation de pesticides chimiques en 2050, en se basant sur différentes hypothèses d’évolution.

– Le premier, « Marché global », vise à renforcer l’immunité des plantes cultivées : grâce aux stimulateurs de défense des plantes, à la sélection variétale, aux interactions avec le microbiote et d’autres cultures et l’introduction de plantes de service. Il implique une harmonisation des standards du marché agricole européen et mondial, avec des investissements dans des technologies de pointe.

– Le second, « Microbiomes sains », a pour principe de gérer l’holobionte des cultures en renforçant les interactions hôte-microbiote, en les modulant ou les modelant (apport de biosolutions et sélection variétale adaptée). Il implique de produire plus de légumineuses, de céréales variées, de fruits et légumes, et de consommer moins de viande et de produits ultratransformés.

– Le troisième, « Paysages emboîtés », suppose une modification en profondeur des paysages agricoles, créant un paysage complexe conçu comme une mosaïque modulable de cultures diversifiées intégrées dans une matrice fixe d’habitats naturels et semi-naturels. Il permet de fournir non seulement des aliments sains mais aussi de proximité, et renforcer la biodiversité à l’échelle des territoires.

Présentation globale des caractéristiques des systèmes de culture pour les 3 scenarios :

D’un côté, dans le S1, les systèmes de culture reçoivent plus d’intrants (biocontrôle, biostimulants…) exogènes, les cultures sont assez peu diversifiées et il y a peu de services écosystémiques.

De l’autre côté, dans le S3, les systèmes de culture utilisent peu d’intrants exogènes et mobilisent un niveau élevé de diversification et de services écosystémiques.

Les messages clés de l’étude

Construire une agriculture sans pesticides chimiques en Europe en 2050 suppose la prise en compte du système alimentaire dans sa globalité et l’implication de tous les acteurs, avec un partage des responsabilités et des prises de risque, du producteur au consommateur, en passant par les politiques publiques et réglementaires. Tout ne doit pas reposer sur les agriculteurs. Par exemple, à ce jour, les consommateurs réclament des produits sans pesticides mais les achètent peu, ça ne fonctionne pas.

Produire sans pesticides chimiques ne pourra se faire qu’en combinant les leviers techniques : diversification des cultures, développement de la régulation biologique et des biosolutions, sélection variétale adaptés, agroéquipements, prophylaxie…

La modification des régimes alimentaires, en réduisant la viande et en consommant moins de produits transformés est un levier majeur d’arrêt d’utilisation des produits phytosanitaires conventionnels.

Élaborer des nouvelles stratégies de protection nécessite de produire des connaissances et développer des méthodes pour mieux comprendre et mettre à profit le paysage, les microflores/faunes naturelles, l’immunité des plantes… Cette dernière stratégie est notamment étudiée dans le Réseau Mixte Technologique (RMT) Bestim, qui travaille sur le concept « d’immunité agroécologique ».

Source : https://www.calameo.com/read/006800896b5376fe6dc41?authid=dWJwShTlF3jf

Crédit Photo : Image à la une : S. Leitenberger – #4231332 – Adobe Stock

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Ce billet a été rédigé par Marie Turner
Responsable R&D Protection et Nutrition des Plantes Spécialisée dans les interactions plantes-microorganismes, qu’ils soient bénéfiques ou pathogènes pour les plantes, Marie est une phytopathologiste qui travaille à la recherche de solutions de protection des plantes pour une agriculture durable.