Protection des plantes : le sol à la loupe !

Coupe du sol avec micro-organismes

Longtemps considéré comme un support inerte en culture des végétaux, le sol est désormais au cœur des considérations agroécologiques. Il est maintenant intégré que ce compartiment joue un rôle crucial dans la croissance et le développement des plantes, en particulier pour leur nutrition et la gestion des maladies, en raison notamment de la vie microbienne très riche qu’il contient.

Microbiologie du sol

Les micro-organismes du sol peuvent être de natures variées (champignons, bactéries, micro-algues…), et avoir diverses interactions entre eux (compétition, parasitisme ou prédation, commensalisme, amensalisme et mutualisme). Comme expliqué dans la Figure 1, l’incroyable biodiversité microbienne du sol assure également des fonctions clés au niveau du sol (dégradation et minéralisation de la matière organique, amélioration de la structure et la qualité globale du sol, contribution à la régulation climatique, dégradation des polluants, etc.) et des végétaux (aide à l’assimilation des éléments nutritifs, promotion de la croissance, de la résistance aux stress abiotiques et de l’immunité des plantes, contrôle des maladies et ravageurs, etc.), mais peut aussi être responsable de maladies telluriques.

Figure 1 : Fonctions clés des micro-organismes du sol dans leurs interactions avec les plantes
(Hartmann et al., 2023)

Les agents phytopathogènes telluriques

Les maladies telluriques sont causées par des agents phytopathogènes présents dans le sol et qui peuvent s’y maintenir plusieurs années, grâce à des formes de conservation très résistantes. Les maladies telluriques peuvent impacter la graine, le jeune plant, mais aussi d’autres stades phénotypiques jusqu’au plant mature et ses divers organes (feuilles, fleurs, fruits, etc.). Lorsque ces maladies impactent les stades jeunes des cultures, empêchant la germination des graines (manque à la levée) ou nécrosant les jeunes pousses (généralement au niveau du collet ou du système racinaire), on parle de fonte des semis ou « pourriture basale ». La fonte des semis occasionne une perte de rigidité de la plantule, qui s’affaiblie, se nécrose, puis se dessèche. Il existe plusieurs espèces fongiques responsables de cette maladie (comme Fusarium sp., Pythium sp., Rhizoctonia sp., Botrytis sp. ou encore Sclerotinia sp.), qui peut affecter de nombreuses cultures (blé, tomate, haricot, colza, etc.).

Figure 2 : (a) Parcelle de plants de blé touchées par la fonte des semis causée par un complexe d’espèce (incluant Microdochium spp., Fusarium graminearum, Fusarium culmorum, etc.) et caractérisés par un manque à la levée. (b) Symptômes aériens observés lors d’un essai en pots avec des nécroses au niveau du collet (rectangles jaunes) ou un arrêt de croissance de plantule (rectangle rouge). Des nécroses racinaires peuvent également être observées

La régulation des maladies du sol : leviers, limites et innovations

Figure 3 : Infographie sur la combinaison de leviers utilisables pour limiter l’usage des pesticides
(© INRAE)

La régulation des maladies du sol repose sur plusieurs leviers. Parmi ces leviers, il y a la rotation des cultures, l’élimination des résidus de culture, l’utilisation d’antagonismes naturels favorisés par une préservation de la biodiversité du sol, l’utilisation de variétés plus résistantes ou tolérantes aux maladies, mais aussi l’application de traitements au niveau des semences qui peuvent avoir une action directe contre l’agent phytopathogène ou une action indirecte comme l’activation des défenses des plantes.

Certains de ces leviers présentent toutefois leurs limites, comme l’utilisation de traitements des semences chimiques. En effet, le traitement des semences s’appuyant sur un nombre limité de produits homologués, tout retrait de certaines substances actives (principalement pour des raisons d’effets néfastes sur la santé humaine et/ou l’environnement) peut avoir des conséquences sur la régulation de l’état sanitaire des cultures. Ce fut le cas en 2019, avec le retrait du diquat, du thirame et de la pymétrozine, substances actives majeures en protection des semences. Pour pallier au retrait de ces solutions, des alternatives sont à l’étude en étroite collaboration entre les développeurs de biosolutions et les entreprises semencières.

Cette approche est notamment étudiée dans le projet collaboratif SeedBioProtect, financé par le Consortium Biocontrôle et PlantAlliance, porté avec INRAE et avec comme partenaires la FNAMS, RAGT 2N, Vilmorin & Cie, Agrauxine, Koppert, le GEVES et Vegenov. L’objectif de ce projet est de travailler sur la protection de la semence en combinant les leviers biocontrôle et variétal. Plusieurs approches sont explorées, notamment l’induction des défenses des semences par traitement des plantes mères, mais aussi l’enrobage de semences avec des produits de biocontrôle, tout en travaillant sur plusieurs variétés sur tomate et blé.

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Ce billet a été rédigé par Klervi Crenn
Chargée de Projets en Qualité et Santé des Plantes, Klervi est une microbiologiste qui s’appuie sur des outils de biologie moléculaire pour étudier la microflore des plantes (qu’elle soit bénéfique ou pathogène), mais aussi pour étudier le mode d’action de produits de protection et nutrition des plantes.