Méthodes alternatives en protection des plantes : point sur les avancées récentes
La 6ème Conférence sur les Méthodes Alternatives de Protection des Plantes s’est déroulée à Lille du 21 au 23 mars derniers. Tenu tous les deux ans, cet évènement a pour vocation de présenter les avancées récentes en protection des plantes, et ce, sur tout type de culture. Il permet de confronter les différents points de vue des acteurs du domaine : recherche académique, firmes, instituts techniques…
Plusieurs thématiques ont été abordées cette année avec notamment des focus sur :
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Les produits de biocontrôle,
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L’utilisation des outils d’aide à la décision (OAD),
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La génétique des populations de bioagresseurs,
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La résistance variétale,
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L’agro-écologie.
Dans ce billet de blog, nous présenterons plus particulièrement les avancées scientifiques et techniques liées aux outils d’aide à la décision, aux produits de biocontrôle et au développement des différentes méthodes alternatives jusqu’à leur appropriation en production.
Évaluer le risque pour mieux traiter
Une session était consacrée à l’évolution des techniques et aux progrès réalisés en numérique, automatisme, optique et biologie moléculaire pour proposer des outils d’aide à la décision (OAD) toujours plus performants et optimiser le positionnement des traitements. Plusieurs exemples d’application ont été cités. Le contrôle du piétin verse en blé tendre a ainsi été optimisé grâce à de meilleures connaissances des facteurs de risque et par le développement d’applications Web et nomades pouvant aider au diagnostic… Une présentation sur le développement d’OAD sur la fusariose de l’épi du blé a comparé trois outils :
- Grille de risque (approche empirique) ;
- Modélisation via la présence de spores à la floraison (approche empirique) ;
- Modélisation via la reproduction du cycle de la fusariose (approche mécaniste).
Les résultats montrent que la performance d’un modèle complexe avec une approche détaillé du cycle de la fusariose parvient seulement à égaler les prévisions d’outils plus « simples » comme les grilles de risques.
Des produits de biocontrôle innovants
La session du mercredi a fait la part belle aux produits de biocontrôle. De nouveaux produits en cours de développement et leurs modes d’actions ont été présentés. Leurs natures et cibles sont diverses : micro-organismes comme des bactéries luttant contre la maladie du bois de la vigne, la fusariose ou la germination de mauvaises herbes ; stimulateur de défense des plantes (SDP), substances naturelles (huiles essentielles, extraits végétaux…) aux propriétés anti-fongicides, anti-insecticide, contre les ravageurs et adventices ; et macro-organismes.
D’autres produits présentés ont été récemment homologués. Un exemple de produit à base de micro-organisme est le Trisoil® de chez Agrauxine-Lesaffre Plant Care : composé de Trichoderma atroviride, il permet une bonne protection contre Pythium ssp en culture de carotte et contre Rhizoctonia solani en salade. Il agit par antagonisme, compétition spatiale et nutritive.
Un second exemple de produits de biocontrôle homologué en cultures maraichères sous serre et en vigne est le Messager® de Jouffray Drillaud. Il agit par stimulation des défenses des plantes, grâce à une combinaison originale de matière active (COS-OGA). Le COS (chito-oligosaccharides), issu de carapaces de crustacés est associé à de l’OGA (oligogalacturonides), pectine végétale d’agrume. Cette combinaison mime la présence de champignon (COS) et la prolifération de celui-ci dans la plante (OGA). Il active ainsi les voies de défenses de la plante, en particulier celle des PR.
Une table ronde riche en échanges
La conférence s’est achevée par une table ronde sur « la mise en œuvre concrète de la protection intégrée au travers d’un exemple en arboriculture fruitière » animée par Philippe Delval (ACTA).
Cette table ronde a permis de recueillir les témoignages d’E. Dalle, producteur de pomme/poire ; N. Rivière, conseillère de la chambre d’agriculture du Sud-Ouest qui pilote un réseau de 10 exploitations dans le cadre de Déphyferme, et F. Zavagli qui anime un réseau d’expérimentation Ecophyto au sein du CTIFL.
Elle a été l’occasion de présenter les résultats d’un projet d’expérimentation d’envergure monté par le CTIFL sur le pommier : « Ecophyto Pomme » (2012 à 2018). De nombreux leviers ont été préalablement identifiés : variétés résistantes aux maladies et porte-greffes vigoureux, prophylaxie, modèle de prévision des risques avec piégeage, produits de biocontrôle, barrière mécanique contre certains insectes ou spores de champignons, outils mécaniques, lutte biologique et biodiversité, qualité de la pulvérisation des produits de traitement… Ces différents leviers, testés et comparés sur 6 sites différents, représentent 28 systèmes de cultures.
Le 1er bilan en cours d’expérimentation (2012 à 2016) fait état de résultats mitigés : la réduction de produits phytosanitaires (par mesure des indicateurs de fréquence de traitement (IFT)) est importante quand elle est couplée à l’utilisation de variétés résistantes (réduction de 20 à 80%), mais dans la plupart des systèmes évalués, les rendements sont insuffisants. Les temps de travaux et l’état sanitaire des fruits à la récolte varient également selon le système de culture. Certains leviers comme l’utilisation d’une bâche a bien permis de diminuer les infestations de tavelure (objectif visé) mais a eu comme conséquences, par modification du microclimat, une augmentation des infestations d’oïdium et de pucerons.
Les présentations et les échanges qui ont suivis avec la salle ont permis de se rendre compte des progrès et des limites de la production raisonnée sur le terrain, au niveau du verger et de l’expérimentation.
Différentes techniques sont d’ores et déjà utilisées dans certaines productions fruitières : confusion sexuelle, auxiliaires et abeilles, choix de variétés adaptées au climat, plantation de haies, jachère, enherbement, produits de traitement compatibles au cahier des charges bio…
Cependant ces techniques sont souvent plus coûteuses en temps (observations régulières du verger) et financièrement (un traitement insecticide revient à 40 €/ha contre 250 à 300 €/ha pour l’utilisation de la confusion sexuelle par exemple).
E. Dalle souhaiterait pour sa part aller encore plus loin et pouvoir s’appuyer sur un outil de modélisation pour mieux positionner les traitements, ainsi que sur des outils de pulvérisation plus performants limitant les pertes de produits.
N. Rivière a rappelé l’intérêt de communiquer sur les bonnes pratiques pour renverser la mauvaise image du public vis-à-vis des productions fruitières alors que de nombreux efforts sont faits par une partie des producteurs (les IFT vont du simple au double selon l’exploitation). Elle a rapporté les principales motivations des producteurs de pomme et prune ayant acceptés de rejoindre ce réseau Déphyferme du Lot et Garonne : obtenir une diminution des intrants tout en maintenant un prix à la production, diminuer l’exposition des salariés, du producteur et du voisinage aux produits phytosanitaires et en réduire l’impact sur l’environnement.
Ce billet a été rédigé par Claudie Monot, ingénieur en protection et nutrition des plantes à Vegenov.
Crédits Photos :
Image une : AFPP
135159826 – Agricultural technology and organic agriculture concept. The organic green bean leaves with the agricultural technology icons – © Montri – Fotolia
144274417 – Green plant sprouting on battery – © elecstasy – Fotolia
104406985 – Springtime apple orchard at the peak of bloom – © onepony – Fotolia
Bonjour !
Je suis perplexe (très perplexe) quand à la dénomination : « protection des plantes » … ds l’intitulé de votre travail.
Elles savent bien plus qu’on ne l’imagine, se protéger seules, malgré nos actions sur leur environnement.
Désolée de cette remarque déroutante peut être, mais cherche t’on ds la bonne direction ?
N’ êtes vous pas éloignée du SOL ? de la terre quoi… du sol VIVANT ? Qui a nourri des générations (m^me pdt les guerres et les famines) et qu’on connait de – en – ?
Merci de m’avoir lue.
Je vais aller jardiner de ce pas pour aller à la rencontre d’une nature qui donne encore qu’elle peut, si tant est qu’on en prend soin,
cdt
Viviane
Bonjour,
Les plantes peuvent en effet se défendre seules contre beaucoup de maladies. Cependant, comme l’homme ou l’animal, elles ont parfois besoin d’aide. Parmi, les méthodes alternatives de protection des cultures, les stimulateurs des défenses des plantes, permettent justement d’exploiter et d’optimiser les voies de défense. Vous trouverez plus d’informations sur ces recherches sur le site du RMT Elicitra (http://elicitra.org), que nous co-animons, et qui s’intéresse à tous ces éliciteurs.
Cordialement,
Marie Turner