L’importance des composés volatils en qualité des aliments et santé des plantes
Faire face aux stress biotique et abiotique, attirer des pollinisateurs et des disperseurs de graines, … mais comment font les plantes, enracinées dans le sol ? Les composés organiques volatils (COV) qu’elles émettent jouent un rôle central dans leurs interactions avec l’environnement. Ils participent également à l’odeur et l’arôme des fruits et légumes que nous consommons.
Les COV, qu’est-ce-que c’est ?
Les COV sont des composés carbonés de différentes natures structurelles (alcool, aldéhyde, cétone, …), facilement volatils à température ambiante et à pression atmosphérique normale. Ils sont par conséquent dans l’atmosphère et certains ont des odeurs spécifiques captées par notre appareil olfactif : c’est le parfum d’une fleur, l’odeur d’un plat qui mijote, l’odeur d’humus et verte de la forêt. Le volatilome est l’ensemble des composés émis par un organisme vivant. On entend beaucoup parler des composés organiques volatils (COV) dans le cadre de pollution de l’air, mais ils sont émis par tous les êtres vivants naturellement. Seuls 10% des quantités de COV émis proviennent de l’activité de l’homme.
L’odeur et l’arôme des plantes, ce sont eux !!
Certains COV sont à l’origine d’odeur ou d’arôme en bouche. Dans les deux cas, les composés volatils sont perçus par le bulbe olfactif, en flairant par voie nasale ou en bouche, par voie rétronasale. Mais tous ne contribuent pas aux arômes et odeurs : il faut qu’ils soient en quantité suffisante pour être perceptibles sachant que cette quantité minimum perceptible, le seuil de détection, est différent d’un composé à un autre. Par exemple, le méthanthiol, qui contribué à l’odeur soufrée du brocoli à un seuil de détection de 0,0016 ppm, alors que le 2-pentanone, qui lui, donne des notes fruitées, éthérée, d’acétone a un seuil de 11 ppm. L’arôme et l’odeur des fruits et légumes contribuent aux préférences ou rejet des consommateurs. Sélectionner ceux qui ne présentent pas d’odeur déplaisante ou au contraire, ceux qui présentent une odeur caractéristique appréciée garantie que le consommateur sera satisfait et aura envie de consommer à nouveau le produit. Les COV des fruits et légumes jouent donc un rôle essentiel dans leur consommation.
Un rôle important dans la défense des plantes contre les bioagresseurs, avec des effets directs et indirects
Plusieurs études montrent que la contamination par un agent pathogène ou l’attaque d’un ravageur, provoque une modification de la composition des COV émis par la plante. Certains ont un effet direct de lutte contre les bioagresseurs. C’est le cas par exemple de certains terpènes (farnesene, ocimene, …), émis par la vigne après une inoculation par Plasmopara viticola et qui entraine une réduction de la sporulation de ce même pathogène de 53 à 100% (Ricciardi et al., 2021). Lors d’attaques d’herbivores, les terpènes libérés par les tissus endommagés peuvent avoir un effet répulsif de par leurs arômes intenses. C’est aussi le cas des isothiocyanates dans les crucifères, fruits de la dégradation des glucosinolates mis en contact avec une enzyme endogène, la myrosinase, dans les cellules endommagées. D’autres COV peuvent altérer le comportement des herbivores, leur appétit, leur reproduction….
Les COV peuvent également agir de façon indirecte en attirant les prédateurs de leurs ravageurs ainsi que leur pollinisateur. Ainsi la tomate infestée par T. Absoluta émet un certain nombre de composés dont l’alpha-pinène, alpha terpinène et salicylate de méthyle qui attire une guêpe prédatrice de T absoluta (Delettre, 2022). Les plantes peuvent également émettre des composés dans la rhizosphère pour attirer une flore antagoniste qui lui permettra de lutter contre les maladies fongiques ou bactériennes. Par ailleurs, ces composés peuvent aussi servir de signal aux plantes voisines, qui préparent ainsi leur défense. Par exemple, des plants de haricots attaqués par Tetranychus urticae émettent du linalool, ce qui entraine une production d’éthylène et de jasmonate dans les plantes voisines.
Impact des facteurs abiotiques sur l’émission de COV
Le profil de composés émis varie en fonction du cycle diurne mais également en fonction des radiations lumineuses. Une augmentation de certains composés est associée à une augmentation de la disponibilité des précurseurs des caroténoïdes, composés ayant des fonctions phyto-protectrices. Les émissions de composés comme l’isopropène ou l’alpha pinène permettent de protéger la plante contre les UV-B, en activant les systèmes de piégeage des ROS. Les isopropènes et monoterpènes seraient des molécules thermo-protectrices, qui stabiliseraient les membranes des systèmes respiratoires et photosynthétiques.
Aperçu des principales classes de composés organiques volatils (COV) produits par la vigne en réponse à des facteurs biotiques et abiotiques. Les stimuli externes (Lazazzara et al , 2022)
Perspectives intéressantes en sélection et protection des cultures
Les COV présentent l’intérêt d’être analysables sans destruction des tissus émetteurs et peuvent donc permettre un suivi des émissions au cours du temps, en fonction des organes, de son état physiologique et de son environnement etc, … Il y a encore de nombreuses recherches et des opportunités de développement dans ce domaine. Par exemple, des nouvelles applications sont étudiées pour les utiliser pour détecter et identifier précocement une maladie. Leur rôle dans le biocontrôle et la biostimulation offre de belles perspectives pour renforcer l’utilisation de ces molécules dans les pratiques agricoles futures. Enfin, ils ne sont pas qu’un outil de communication inter et intraspécifiques. Ils participent également aux odeurs et arômes agréables pour séduire les consommateurs et sont donc important à prendre en compte pour optimiser les choix des variétés gustatives à intégrer en production.
Sources
- Deletre, E. (2022). L’écologie chimique et fonctionnelle au service de la transition agroécologique (Doctoral dissertation, Université de Montpellier).
- Ricciardi, V., Marcianò, D., Sargolzaei, M., Maddalena, G., Maghradze, D., Tirelli, A., … & De Lorenzis, G. (2021). From plant resistance response to the discovery of antimicrobial compounds: The role of volatile organic compounds (VOCs) in grapevine downy mildew infection. Plant Physiology and Biochemistry, 160, 294-305.
- Midzi, J., Jeffery, D. W., Baumann, U., Rogiers, S., Tyerman, S. D., & Pagay, V. (2022). Stress-induced volatile emissions and signalling in inter-plant communication. Plants, 11(19), 2566.
- Lazazzara, V., Avesani, S., Robatscher, P., Oberhuber, M., Pertot, I., Schuhmacher, R., & Perazzolli, M. (2022). Biogenic volatile organic compounds in the grapevine response to pathogens, beneficial microorganisms, resistance inducers, and abiotic factors. Journal of experimental botany, 73(2), 529-554.
- Billet de blog Vegenov : Plantes : une défense en « zig-zag, Marie Turner
Crédits Photos
- Image à la une générée par Copilot
- Schéma des classes de COV tiré de la publication Lazazzara, V., Avesani, S., Robatscher, P., Oberhuber, M., Pertot, I., Schuhmacher, R., & Perazzolli, M. (2022). Biogenic volatile organic compounds in the grapevine response to pathogens, beneficial microorganisms, resistance inducers, and abiotic factors. Journal of experimental botany, 73(2), 529-554.
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