Plantes : une défense en « zig-zag »
Les plantes ont co-évolué avec les pathogènes depuis des millions d’années, et on observe des niveaux de résistance très variables en fonction des interactions : c’est ce qu’on appelle le modèle en zig-zag de défense des plantes.
Coévolution des plantes et des pathogènes : le modèle en « zig-zag »
Actuellement, 10 à 16% des récoltes mondiales sont perdues à cause des nuisibles (Bebber et al., 2013). Dans la nature, malgré l’apparente immobilité et passivité des plantes face aux agresseurs, la maladie est l’exception plus que la règle. En effet, les plantes sont dotées d’un système immunitaire évolué et efficace.
Les végétaux représentent 99% de la biomasse terrestre et ils ont survécu depuis des millions d’années à la multitude de nuisibles qui les attaque. Les pathogènes, quant à eux, cherchent constamment à déstabiliser les défenses de la plante et trouver de nouvelles armes.
Cette idée de co-évolution entre les agents pathogènes et les plantes a été formalisée par Dangl et al. en 2006 et schématisée sous forme de modèle dit « en zig-zag » (Figure 1 ). Ce modèle permet également de comprendre les différents niveaux de résistance présents chez les plantes, leurs efficacités et leurs spécificités.
La résistance basale
Un premier niveau de résistance basale (ou PTI pour PAMP Triggered Immunity) va pouvoir être activé lorsque la plante perçoit, par des récepteurs extracellulaires, des molécules « générales » associées aux pathogènes telles que la flagelline de la bactérie ou la chitine des champignons.
Ce premier niveau de défense est peu spécifique et peu intense mais permet de limiter la propagation de nombreux pathogènes par des renforcements pariétaux par exemple, notamment sous forme de callose (Figure 2).
La contre-attaque des agents pathogènes
En réponse à ce premier niveau de défense, les pathogènes ont contre-attaqués et ont mis en place des systèmes leur permettant notamment d’injecter (ou délivrer) des effecteurs directement à l’intérieur de la cellule végétale.
Ces effecteurs ont pour but principal de court-circuiter les voies de défense activées, ils peuvent également servir à détourner le métabolisme de la plante à leur profit ou être toxique pour la cellule végétale. La plante devient alors sensible au pathogène et on parle d’Effector Triggered Susceptibility (ETS).
La résistance spécifique
Les plantes ont réagi en modifiant les cibles de ces effecteurs ou en mettant en place des systèmes de détection de ces effecteurs grâce à des récepteurs intracellulaires.
Une fois ces récepteurs activés, des mécanismes de défense plus spécifiques au pathogène en train d’attaquer et plus intenses vont pouvoir permettre à la plante de résister au pathogène. On parle alors d’Effector Triggered Immunity (ETI).
Parmi ces mécanismes, le plus intense est la réaction hypersensible (HR) (Figure 3), où la plante va induire la mort de la zone entourant le pathogène tout en produisant des composés anti-microbiens, afin de le confiner et le détruire. Ce mécanisme peut-être mis en place face à des agents pathogènes biotrophes.
Figure 3 : Réaction hypersensible (HR) : La plante induit la mort localisée des tissus autour de l’agent pathogène et produit des composés anti-microbiens afin de le confiner et le détruire.
Face à des agents pathogènes nécrotrophes, les plantes ont pu développer d’autres armes afin notamment de former une barrière physico-chimique grâce à des renforcements pariétaux (dépôt de lignine (Figure 3), subérine ou modifications des protéines pariétales par des espèces réactives d’oxygène (ROS) …) couplés ou non à la synthèse de composés antimicrobiens (phytoalexines, enzymes…).
Figure 4 : Coupe transversale de racine : Renforcement des parois (ici, dépôt de lignine) afin d’empêcher la pénétration des agents pathogènes dans les vaisseaux conducteurs.
En réponse à ces mécanismes de défense, les pathogènes vont à leur tour trouver de nouvelles armes pour combattre et/ou déjouer les défenses des plantes, qui mettront à nouveau tout en œuvre pour trouver une nouvelle parade.
La co-évolution des agents pathogènes et des plantes entraine donc le développement continuel de nouvelles stratégies d’attaques et de survie pour les deux partenaires de l’interaction. En agriculture, des nouvelles stratégies de protection des plantes se développent afin de tirer profit et d’optimiser la capacité naturelle des plantes à se défendre, comme l’utilisation de stimulateurs de défense des plantes (SDP).
Références bibliographiques :
Jones J.D. et Dangl J.L., 2006 « The plant immune system », Nature 444, p323-329.
Bebber D.P., Ramotowski M.A.T. et Gurr S.J., 2013 « Crop pests and pathogens move polewards in a warming world », Nature Climate Change, 3, p985–988
Crédits photos : Image illustrant le billet et modifiée par Vegenov mais dont le crédit photo de départ est: © Sergey Nivens – Fotolia.com ; Autres images dans le billet © Vegenov