Quand les micro-organismes bénéfiques aident les plantes à se défendre.

Lors d’une attaque par un agent pathogène, un mécanisme de défense systémique, la SAR (Systemic Acquired Resistance), se met en place pour permettre une défense ultérieure contre un large spectre de pathogènes. Des micro-organismes bénéfiques (MOB) sont également capables d’induire un mécanisme de résistance induite, on parle alors d’ISR (Induced Systemic Resistance). Les MOB prennent une place de plus en plus importante dans les approches de protection intégrée des plantes.

Qu’est-ce qu’un MOB ?

L’association des plantes avec des micro-organismes bénéfiques (MOB) est largement répandue.

On distingue :

  • La symbiose  : association obligatoire et spécifique entre deux organismes ne pouvant vivre l’un sans l’autre, chacun d’eux tirant un bénéfice de cette association.
  • Le mutualisme  : association non obligatoire entre deux organismes, chacun d’eux tirant un bénéfice de cette association.

Parmi les exemples les plus connus de symbiose, on peut citer la nodulation des légumineuses, résultat de l’association entre les plantes de la famille des légumineuses avec des bactéries, les rhizobia, qui fixent l’azote atmosphérique, permettant ainsi une nutrition azotée riche pour la plante. En échange, la bactérie récupère des composés carbonés issus de la photosynthèse.


On peut également citer la symbiose avec des champignons mycorhiziens , qui concerne près de 95% des plantes terrestres.

Parmi les exemples d’associations mutualistes avec des MOB, les Plant Growth Promoting Rhizobacteria (PGPR) ou Fungi (PGPF) sont les plus connus. Ces micro-organismes bénéficient des apports carbonés de la plante au niveau des exsudats et induisent chez leurs hôtes une amélioration en terme de croissance et de protection contre les pathogènes.

Comment les MOB protègent-ils les plantes contre les maladies ?

Les MOB peuvent réduire le niveau de maladie des plantes par plusieurs mécanismes, notamment en sécrétant des antibiotiques, des enzymes lytiques ou par compétition trophique.

Les PGPR, par exemple, ont développé des sidérophores avec une très forte affinité. Ce mécanisme leur permet d’éliminer des populations d’agents pat’hogènes via une compétition pour le fer, puisque l’agent pathogène se retrouve carencé pour cet élément.

Un autre mécanisme utilisé surtout par les champignons mycorhiziens, les PGPR et les PGPF est l’activation de la défense naturelle des plantes, mécanisme connu sous le nom de Induced Systemic Resistance (ISR). Tout comme la Systemic Acquired Resistance (SAR), qui est activée suite une attaque pathogène, l’ISR permet l’activation d’une défense ultérieure contre un large spectre d’agents pathogènes. Si la finalité de ces mécanismes est similaire, leur régulation fait intervenir des voies hormonales distinctes. En effet, il est généralement admis que la SAR implique une signalisation de l’acide salicylique et la synthèse de PR-Protéines, alors que l’ISR implique une signalisation de l’acide jasmonique et de l’éthylène.

La majorité des études montre un effet bénéfique de l’ISR sur la santé des plantes. Elle serait avant tout efficace contre les pathogènes nécrotrophes et les herbivores.

Les MOB dans des approches de protection intégrée

Les préoccupations sociales et environnementales sur l’usage des produits phytosanitaires ont augmenté l’intérêt pour ces micro-organismes et leur intégration dans un schéma d’agriculture durable.
20 ans après la découverte de l’ISR, la capacité des MOB  à l’induire est bien documentée. Dans les plupart des interactions, l’induction de l’ISR seule ne semble pas capable d’induire un niveau de protection suffisant des cultures.

En revanche, une intégration de ce mécanisme dans une aFotolia_11067015_XSpproche de protection intégrée, en complément notamment de méthodes prophylactiques, permettrait de gérer les maladies des plantes de manière durable.
Une des clés pour une amélioration de la performance et de l’utilisation de cette approche serait l’utilisation de combinaisons de plusieurs souches issues du terrain.

Il est important également de mieux comprendre la complexité des exsudats racinaires, qui varient entre espèces mais également entre variétés, et qui jouent un rôle prépondérant dans l’attraction et le recrutement des MOB.

Il est cependant important d’avoir à l’esprit le « trade-off » énergétique* en jeu entre la mise en place de l’interaction et l’activation de la défense. En effet, la symbiose induit une dépense énergétique qui peut se faire au détriment de la mise en place d’une défense efficace contre des agents pathogènes.

*trade off énergétique : compromis évolutif dans l’allocation des ressources entre différents traits ou mécanismes. Tous les traits ne peuvent être en même temps à leur optimum.

Liens vers d’autres références :

Induced resistance for plant defense, a sustainable approach to crop protection. Edited by Dale R. Walters, Adrian C. Newton and Gary D. Lyon, 2014 (Ed. WILEY Blackwell). Chapitre: « how do beneficial microbes induce systemic resistance », by Emily Beardon, Julie Scholes and Jurriaan Ton.

 

Crédits photos : Fotolia © Jezper,   ©Danielle Bonardelle
Nodules Medicago italica – ©Ninjatacoshell

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Ce billet a été rédigé par Marie Turner
Responsable R&D Protection et Nutrition des Plantes Spécialisée dans les interactions plantes-microorganismes, qu’ils soient bénéfiques ou pathogènes pour les plantes, Marie est une phytopathologiste qui travaille à la recherche de solutions de protection des plantes pour une agriculture durable.