GLYPHOSATE : la course aux alternatives est lancée
Interdit en France pour les particuliers depuis janvier 2019, le glyphosate est encore autorisé pour les agriculteurs, mais plus pour très longtemps… Un plan global de sortie du glyphosate a été mis en place par le Gouvernement en 2018. Depuis, plusieurs actions ont été menées pour aider les agriculteurs à adopter des solutions de remplacement. En particulier, le 1er février dernier, un centre de ressources listant les alternatives envisagées pour remplacer l’utilisation de cet herbicide universel a été mis en ligne. Dans quel contexte le plan de sortie du glyphosate est-il mis en œuvre ? En quoi consiste-t-il ? A qui s’adresse-t-il ? Voici un récapitulatif de ce qu’il faut savoir.
Qu’est-ce que le glyphosate ?
Le glyphosate est une molécule de synthèse (N-phosphonométhyl-glycine) qui est un dérivé de la glycine, un acide aminé. Le glyphosate bloque l’activité d’une enzyme clé impliquée dans la production de métabolites essentiels pour la plante. De ce fait, le glyphosate a donc une action herbicide systémique totale, et il est non sélectif. Il est utilisé pour éliminer des adventices sur les surfaces agricoles, industrielles (comme les chemins de fer) ou paysagères (parcs et jardins).
Le glyphosate est commercialisé par Monsanto dès 1974 sous la marque Roundup, mais depuis que le brevet de Monsanto est passé dans le domaine public en 2000, il est aujourd’hui fabriqué et commercialisé par un grand nombre de sociétés.
Le glyphosate est l’herbicide le plus répandu dans le monde. En moyenne, entre 2009 et 2014, 680 000 tonnes de glyphosate ont été épandues chaque année dans le monde. En France, en 2017, près de 9 000 tonnes de glyphosate pur ont été utilisées.
Risques sur la santé et l’environnement
En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui est l’agence de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) chargée d’inventorier les substances cancérogènes, a classé le glyphosate « cancérogène probable » pour l’homme, déclenchant la vague de plaintes vis-à-vis de Monsanto puis Bayer (qui a racheté Monsanto en 2018).
L’apparition de plantes résistantes au glyphosate est observée dans les régions où les traitements massifs sont systématiques. Il s’agirait soit d’une mutation ponctuelle sélectionnée par l’application du produit, soit d’un transfert de gène de résistance des plantes génétiquement modifiées pour résister au glyphosate. Aux Etats-Unis, des populations résistantes d’amaranthe, espèce invasive particulièrement coriace, sont apparues dans les années 2000 dans les champs de soja et de coton résistants au glyphosate. L’invasion est telle qu’il devient impossible de cultiver ces champs qui sont alors abandonnés.
Situation de la réglementation du glyphosate – France/Europe
En novembre 2017, l’Union européenne a renouvelé l’homologation du glyphosate pour cinq ans.
Durant cette période, en France, la mise en marché de produits à base de glyphosate est très surveillée par l’ANSES qui réexamine toutes les demandes de renouvellement des AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) en s’appuyant sur les analyses de risque sur l’environnement (eau, biodiversité) et la santé des opérateurs.
De plus, l’ANSES, avec l’appui de l’INRA, réalise une évaluation comparative des produits restant autorisés avec les alternatives constituées par des produits de biocontrôle ou des produits à faible risque pour l’environnement, et par les méthodes non chimiques. À l’issue de cette évaluation comparative, seules les utilisations du glyphosate sans alternative, en situation d’impasse, seront maintenues*.
Plan de sortie du glyphosate – les alternatives et initiatives pour aider les agriculteurs
La raison du succès du glyphosate tient à son efficacité et sa praticité d’utilisation : ce « désherbant total » permet d’éliminer toutes les plantes non désirées pour faire place nette aux cultures sans avoir à intervenir mécaniquement ou manuellement.
Aucune alternative, avec le même niveau d’efficacité et praticité, mais sans risque pour l’environnement, n’a été trouvée pour le moment.
Néanmoins, les agriculteurs doivent se préparer à la fin de l’homologation du glyphosate, prévue pour 2021. Un rapport de l’INRA, publié en 2017 à la demande du gouvernement, fait le point sur les alternatives possibles au glyphosate pour les cultures françaises, telles que :
- des solutions organisationnelles et mécaniques telles que la rotation des cultures, le faux semis, ou encore le paillage;
- l’utilisation de bioherbicides ou produits de biocontrôle ;
- des solutions d’évitement partiel telles que le recours au gel hivernal des couverts intermédiaires évitant le recours à une destruction chimique totale.
Pour faciliter l’adoption d’alternatives et faire toute la transparence sur l’usage des produits contenant du glyphosate, le Gouvernement a engagé un plan d’action global qui se décline comme suit :
- la création d’un centre de ressources pour rendre accessible à l’ensemble de la profession agricole les solutions existantes pour sortir du glyphosate ; il rassemble d’ores et déjà une soixantaine de solutions techniques alternatives à l’usage du glyphosate, ou pour la gestion de l’enherbement ;
- le renforcement des actions d’accompagnement dans le cadre du programme Ecophyto pour diffuser les solutions et trouver de nouvelles alternatives pour les usages pour lesquels des impasses existent* ;
- la mobilisation des chambres d’agriculture et de l’enseignement agricole pour faire connaître et promouvoir les alternatives au glyphosate sur l’ensemble des territoires avec l’appui des coopératives agricoles ;
- le suivi des quantités vendues et utilisées des produits contenant du glyphosate afin de faire toute la transparence sur les usages en publiant régulièrement les données et en les mettant à disposition du public ;
- la valorisation de ce travail au niveau européen avec les pays volontaires ; une première réunion avec ces pays se tiendra en juillet 2019.
Des exemples de produits alternatifs homologués et en voie de développement
Des désherbants de type biocontrôle à base d’acide pélargonique (ou acide nonanoïque), acide gras d’origine végétale, sont déjà sur le marché (ex : Beloukha® de Jade, Harmonix KALIP® de Bayer). Beaucoup d’autres solutions sont en voie de développement mais leur mise en marché est freinée à cause des problèmes rencontrés soit au niveau de l’homologation, soit au niveau de la production à grande échelle.
En résumé, la course vers le remplacement du glyphosate est lancée et le défi est de taille ! Le marché ciblé est gigantesque et beaucoup de solutions sont proposées. En attendant la solution universelle sans risque pour l’environnement, il va sans doute falloir combiner plusieurs solutions et s’armer de patience…
* D’après le rapport de l’INRA publié en 2017, les alternatives au glyphosate proposées seraient difficilement applicables ou non applicables dans le cas notamment de trois situations :
- l’agriculture de conservation (ni labour, ni travail du sol, production entièrement organisée autour du glyphosate),
- le cas des productions très spécialisées (haricots verts ou carottes, pour lesquelles on ne tolère aucun fragment végétal pouvant donner un mauvais goût, voire de la toxicité – avant le glyphosate, le désherbage se faisait entièrement à la main),
- le cas des vignobles à très forte pente.
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