Assainissement de plants, sus aux virus et phytoplasmes !

La qualité des jeunes plants est essentielle pour garantir la circulation de matériel végétal sain et améliorer la compétitivité des entreprises du végétal. L’éradication de certains pathogènes, comme les virus, est un enjeu important pour les plantes à multiplication végétative. La multiplication in vitro constitue un moyen efficace de produire des jeunes plants sains et vigoureux.

La multiplication végétative

Les plantes multipliées végétativement sont très nombreuses : plantes ornementales (plantes à bulbes, pélargonium, roses…), plantes fruitières ligneuses (pommier, pêcher, vigne …) ou herbacées (fraise, banane…), plantes potagères (ail, échalote, artichaut…), aromatiques (lavande) ou de grande culture (pomme de terre).

La multiplication végétative est un mode de reproduction asexuée. À la différence du semis qui donne de nouveaux spécimens (avec un nouveau patrimoine génétique), la multiplication végétative génère des clones. Ainsi, l’opération de bouturage, greffage ou marcottage permet de reproduire à l’identique la variété qui nous intéresse. Le problème est la transmission par ces techniques des maladies à virus ou phytoplasmes (bactéries sans parois se propageant comme des virus) présents dans le matériel végétal de départ.

Différentes techniques d’assainissement sont donc utilisées pour produire de nouveaux plants exempts de virus ou phytoplasmes.

L’assainissement par le chaud et le froid

Dans un certain nombre de cas, la thermothérapie permet d’éliminer ou de réduire de façon importante la quantité de virus. Elle est couramment utilisée pour certains végétaux : ligneux, fruitiers, ail. Elle consiste à maintenir les plants (bulbes ou rameaux) à des températures élevées, de 35°C à plus de 50 °C, pendant une durée suffisante pour éliminer les particules virales.

Depuis une dizaine d’années, une nouvelle approche, la cryothérapie, s’est développée. Elle consiste à congeler des tissus végétaux dans l’azote liquide. Cette opération présente l’avantage d’être plus rapide, mais nécessite une très bonne maîtrise technique.

Que ce soit pour la thermothérapie ou la cryothérapie, il faut trouver le compromis entre élimination du virus et survie du végétal.

Les mécanismes mis en jeux par ces deux techniques sont en premier lieu liés à une action physique sur les particules virales, notamment des ruptures de liaisons chimiques nécessaires à leurs réplications.

La culture in vitro  au service de l’assainissement

La culture de méristèmes

La culture de méristèmes constitue la méthode la plus fréquemment utilisée, notamment dans le cadre de filières professionnelles de production de jeunes plants.

La technique consiste à prélever au scalpel, souvent à l’aide d’une loupe binoculaire placée sous la hotte stérile, un très petit massif cellulaire au cœur du bourgeon ou du bulbe. Celui-ci est constitué du dôme méristématique et de deux à trois ébauches foliaires. On le place ensuite sur un milieu de culture approprié pour une durée de quelques semaines afin de favoriser sa conversion en pousse feuillée. Une phase de thermothérapie peut être intégrée à ce stade sur les plants in vitro.

Prélèvement de méristème d’ail sous la loupe binoculaire

L’assainissement par culture de méristèmes reposerait sur une contamination plus lente de ces tissus non encore vascularisés, impliquant une circulation lente, cellule à cellule des particules virales. Cependant, depuis quelques années, des arguments se multiplient en faveur d’un mécanisme épigénétique de défense de la plante, le gene-silencing (ou extinction de gènes). Ce mécanisme de protection des cellules méristématiques, qui agit au niveau des ARN messagers, serait renforcé par la thermothérapie.

Efficacité de l’assainissement par culture de méristèmes

L’efficacité de l’assainissement ne peut être contrôlée qu’individuellement lorsque le méristème s’est suffisamment développé pour donner plusieurs pousses feuillées. Il est alors possible de prélever des fragments de plant in vitro pour effectuer des tests de détection de l’agent pathogène recherché, par ELISA ou par marquage moléculaire.

Détection précoce des virus par marquage moléculaire

D’autres méthodes de vérification sont possibles (indexage biologique ou détection de symptômes), mais interviennent plus tard, lorsque la plante est déjà sortie d’in vitro.

La difficulté de la technique réside dans le fait qu’il faut trouver le compromis entre le taux de survie des méristèmes, qui décroit avec leur taille, et le taux de réussite de l’assainissement, qui augmente lorsque la taille du méristème décroit. Les taux de réussite dépendent également du taux d’infestation de la plante sur laquelle le méristème a été prélevé. A partir d’une plante contaminée, il n’est pas rare d’obtenir des taux de méristèmes assainis de l’ordre de 50% !

Outre cette perspective d’assainissement, on peut espérer disposer grâce au microbouturage de séries de jeunes plants homogènes en croissance une fois acclimatés, mais surtout « réjuvénilisés ». Cette caractéristique physiologique, liée au passage en culture in vitro, offre l’avantage de conférer une vigueur de croissance très favorable à l’utilisation des plants micropropagés comme pieds-mères de boutures.

Plantules de lavandes assainies cultivées in vitro

Les risques liés à l’assainissement par culture in vitro de méristèmes

Plusieurs risques à utiliser le microbouturage ont été décrits depuis de nombreuses années. Pour certaines espèces, les causes sont identifiées, ce qui permet de mettre en place des mesures pour les maîtriser.

Le premier de ces risques est la non-conformité génétique : prélèvement sur une plante de départ non conforme ou multiplication intensive in vitro provocant une mutation « somaclonale » (mutation génétique induite par la culture in vitro et apparaissant à des fréquences beaucoup plus élevées qu’en conditions classiques).

Le deuxième, découvert plus récemment, est épigénétique : les conditions de culture très différentes in vitro induisent une évolution de la régulation des gènes de la plante, aboutissant à des non-conformités dans le développement ultérieur de la plante. La réjuvénilisation est probablement une des manifestations de ce phénomène, induisant notamment des retards de floraison parfois préjudiciables à la qualité du produit.

Pour toute opération de micropropagation ou d’assainissement, il est donc obligatoire de prévoir une phase de validation du protocole en termes de conformité génétique des plants produits.

Conclusion

Toutes ces techniques d’assainissement nécessitent un savoir-faire important et sont couteuses. Leur intégration dans un schéma de production de jeunes plants est donc pertinente si elle est suivie de générations supplémentaires de bouturage classique.


Bibliographie

PANATTONI A., LUVISI A. et TRIOLO E., 2013. – Review. Elimination of viruses in plants : twenty years of progress. Spanish Journal of Agricultural Research, 11, 173-188.


Billet rédigé conjointement par Manuelle Bodin, Murielle Philippot et Juliette Clément


Crédit photo :  Super hero plant pot pointing with cape © CurvaBezier - @Fotolia
Prélèvement de méristème d’ail sous la loupe
binoculaire. Crédit photo : Vegenov-BBV
Plantules de lavandes assainies cultivées in vitro. Crédit photo :
Vegenov-BBV

Download PDF
Ce billet a été rédigé par Manuelle Bodin
C’est avec plus de 15 ans d’expérience dans le développement d’outils de biologie cellulaire pour les sélectionneurs que Manuelle, grâce à son équipe, met en place des solutions techniques adaptées à chaque espèce végétale.