Quels sont les outils juridiques de protection des inventions dans le domaine du végétal ?

L’amélioration des plantes est un processus continu depuis leur domestication et les débuts de l’agriculture. Depuis les années 1980, le nombre d’inventions végétales a augmenté très fortement avec l’avènement des biotechnologies. Le cadre juridique de la protection des innovations végétales s’est alors complexifié. A l’heure actuelle, quelles innovations végétales sont protégeables juridiquement ? Et plus spécifiquement, quelles innovations sont brevetables ? Quels outils juridiques peuvent utiliser les inventeurs et obtenteurs pour protéger leurs inventions ? Voici quelques éléments de réponses.

Puis-je protéger une plante ?

La simple découverte d’une nouvelle espèce ou spécimen végétal, ou « trouvaille », ne suffit pas pour prétendre à un droit d’obtenteur. La Convention sur la diversité biologique et en particulier le Protocole de Nagoya, ainsi que le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, cadrent l’accès aux ressources génétiques, leur protection et le partage des bénéfices qu’elles procurent.

En revanche, d’après l’article L611-10 du Code de la propriété intellectuelle une matière biologique isolée de son environnement naturel, ou produite à l’aide d’un procédé technique, peut tout à fait être l’objet d’une invention brevetable si les critères de brevetabilité sont remplis, ces critères étant la nouveauté, l’activité inventive et l’application industrielle.

Puis-je protéger une variété ?

En France, l’Article L611-19 du code de la propriété intellectuelle interdit de breveter les variétés végétales, mais aussi les « procédés essentiellement biologiques pour l’obtention des végétaux », c’est-à-dire « les procédés qui font exclusivement appel à des phénomènes naturels comme le croisement ou la sélection », ainsi que les végétaux obtenus par ces procédés de croisement et sélection.

Des dispositions semblables figurent dans la Convention sur le brevet européen. Mais il est à noter que dans d’autres pays, comme par exemple les États-Unis, il est possible de breveter des variétés végétales grâce au titre spécifique Plant Patent.

Si les variétés végétales ne sont pas brevetables, c’est parce que dans l’Union européenne et en France, la protection de nouvelles variétés est attestée par un titre de propriété spécifique appelé « Certificat d’Obtention Végétale » (COV).

Pour obtenir un certificat d’obtention végétale valable en France, le demandeur doit déposer une demande auprès du secrétariat de l’Instance Nationale des Obtentions Végétales (INOV). Pour un certificat d’obtention végétale européen, la demande doit être adressée à l’Office Communautaire des Variétés Végétales (OCVV – ou Community Plant Variety Office). Une protection internationale par un seul dépôt centralisé n’existe pas.

La procédure d’examen dure environ 6 mois mais dépend largement des capacités de croissance de la variété à protéger, ainsi que de sa saison de végétation.

Toute variété qui fait l’objet d’une demande de COV est soumise à un examen technique de distinction, homogénéité et stabilité (DHS), effectué sous la responsabilité de l’INOV pour une protection en France ou de l’OCVV pour une protection en Europe. Ces deux organismes confient l’examen technique DHS :

– soit au Groupe d’Étude et de contrôle des Variétés et des Semences (GEVES),

– soit à un service officiel homologue du GEVES généralement choisi au sein de l’Union européenne.

Une fois délivré, le COV interdit à quiconque la production et la vente des semences de la variété sans l’accord de son propriétaire, l’obtenteur. Pour certaines espèces, les variétés protégées par un COV peuvent être utilisées sous forme de semences de ferme sous certaines conditions.

La protection COV s’applique depuis le 4 janvier 1996 à tout le règne végétal.

Cette protection COV a une durée de 25 à 30 ans à compter de la date de délivrance du COV, en fonction des espèces : 25 ans en règle générale et 30 ans pour les arbres forestiers, fruitiers ou d’ornement, la vigne, les pommes de terre, les graminées et légumineuses fourragères pérennes, et les lignées endogames utilisées pour la production de variétés hybrides.

A ce jour, plusieurs dizaines de milliers de Certificats d’obtention végétale ont été délivrés en Europe, et plus de 2500 demandes sont déposées chaque année.

Le COV permet de rétribuer le travail de l’obtenteur – Quiconque se sert de son matériel de reproduction pour le commercialiser doit acquitter une redevance comprise dans le prix de vente (ou réglée à part, dans le cas des semences de ferme) – tout en laissant la ressource libre d’accès aux autres personnes (obtenteurs, agriculteurs, citoyens, etc.) à des fins de recherche.

Qu’est-ce que l’exception des sélectionneurs ?

Contrairement aux variétés brevetées (dans les pays où le brevet est possible), les variétés protégées par un COV peuvent être utilisées à des fins de sélection librement, sans contrepartie. Cela favorise l’accès à la diversité génétique et assure la continuité de l’amélioration génétique de chaque espèce végétale. C’est ce que l’on appelle l’exception du sélectionneur.

Qu’est-ce que L’UPOV ?
L’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) est une organisation intergouvernementale qui a son siège à Genève (Suisse). L’UPOV a été créée en 1961 par la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales (la “Convention UPOV”). La mission de l’UPOV consiste à mettre en place et à promouvoir un système efficace de protection des variétés végétales afin d’encourager l’obtention de variétés (5).

La Convention UPOV fournit la base aux membres de l’Union pour encourager l’amélioration des plantes en octroyant aux obtenteurs de nouvelles variétés végétales un droit de propriété intellectuelle : le droit d’obtenteur.

Puis-je protéger un procédé qui génère de nouvelles plantes ?

L’Article L611-19 (4-III) du code de la propriété intellectuelle reconnait la brevetabilité des inventions qui ont pour objet « un procédé technique, notamment microbiologique, ou un produit obtenu par un tel procédé ».

La Directive 98/44/CE, votée par le Parlement Européen le 6 juillet 1998, stipule qu’une invention, portant sur un produit composé de matière biologique ou en contenant, ou sur un procédé permettant de produire, de traiter ou d’utiliser de la matière biologique, est brevetable, toujours sous réserve qu’elle réponde aux conditions générales de brevetabilité (i.e. : nouveauté, activité inventive et application industrielle).

En bref : comparaison entre COV et brevet

Il est à noter que la durée de protection par COV est de 25 ans à compter de la date de délivrance, et celle pour le brevet est de 20 ans à compter de la date de dépôt.

Pour aller plus loin sur cette thématique, vous pouvez consulter les articles suivants :

Article co-écrit par Sarah Danan, conseiller en innovation à Vegenov, et Lucile Vernoux, Conseil en Propriété Industrielle et Mandataire Européen à Regimbeau

SOURCES

CRÉDITS PHOTOS

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Ce billet a été rédigé par Sarah Danan
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